4/40 les pieds du diable
L’infirme vient de sortir du commissariat, il a descendu difficilement les marches, il y a du monde en cette fin de matinée ensoleillée. Le boiteux marche, deux chaussures noires, le pointes des lacets noirs suivent son pas, son pantalon noir est fripé. Son pied gauche anormal qui forme un angle à quarante-cinq degrés vers l’intérieur, l’oblige à poser le côté de ce pied. Il marche sur un trottoir en béton gris, à un demi-mètre du bord, une bordure faite de briques longe la chaussée. Un angle droit apparaît sur le trottoir, la bordure en brique rouge dessine dans celui-ci un carré de plantation, on y voit une terre sèche, beige clair, l’ombre d’un tronc. L’ombre d’une voiture garée apparaît. Il croise deux petites baskets blanches, dans lesquelles on voit deux socquettes blanches, puis deux chevilles jeunes. Une ligne, un trait fin longe le trottoir sur plusieurs mètres. Un angle de briques délimitant une zone de plantation puis la bordure. Après la bordure de briques à cet endroit, le béton a été décoré, pour ressembler à des lames de bois. Une chaussure d’homme de ville noire élégante précède sa jumelle, au bas d’un pantalon de costume noir bien repassé. La marche du boiteux change, doucement, en quelques pas son pied gauche retrouve un angle normal, la marche devient fluide, le diable est là. Deux bottes marron, recouvertes d’un bas de pantalon marron, puis deux escarpins noirs accompagnés des deux chevilles fines de sa propriétaire. Un carré de plantation apparaît, au milieu, le tronc d’un jeune arbre apparaît. Au commissariat, à l’étage, le télécopieur travaille, il imprime doucement une page. L’inspecteur s’approche, il prend la feuille, un portrait-robot apparaît à l’écran, le visage du diable, le visage du boiteux.
« Le coup le plus rusé que le Diable ait jamais réussi, ça a été de faire croire à tout le monde qu’il n’existe pas ».
Les deux pieds que nous voyons dans cette scène du film Usuals Suspects, ne sont pas ceux de Kevin Spacey l’acteur qui joue le rôle de Verbal Klimt, mais ce sont les pieds du monteur et compositeur de la musique de ce film: John Ottman.
« Le coup le plus rusé que le Diable ait jamais réussi, ça a été de faire croire à tout le monde qu’il n’existe pas ». Le diable est dans les détails et l’image surgit polymorphe et grimaçante. Le diable est-il secourable, le veut-il d’ailleurs ? Mais c’est une autre histoire ! Votre texte est plaisant et rempli de subtilité par l’observation raffinée de ce qui se voit dans les plans -séquence dans la ville entre le commissariat et l’extérieur. La question de la ville pour les personnes à mobilité difficile est un vrai défi de citoyenneté et d’accès à la vie normale.
merci Marie-Thérèse .