Sol. Si seulement. Lumière rasante, abrasive sur le bitume gris fer, gris parle, tout en nuances et traces de pas, salissures, le gris se fonce, se fronce, vite, vite, se plisse et s’épaissit, matière changeante, gluante et souple, rigide ou sèche, ancienne ou plus récente, difficile de voir la différence dans ce mélange des genres, tons sur tons, la frontière entre deux plaques, un gouffre, chausse-trapes, piège, avances malgré tout, une date gravée dans le mou de la matière qui sèche, empreinte succincte, bleu virant tatouage en creux, sans retenir le regard, information inutile, et l’odeur encore présente, masquée par d’autres, vases du canal, pot d’échappement, graminées vivaces, à la fin du trottoir marqué par une pierre grise brillante au soleil d’éclats de mica, salie de mille impacts, silicate et quartz, chique, chiclette, chewing-gum aplati, gomme que rien ne peut plus effacer, blanc, beige minéral, beige lunaire, liseron, glycine, crachats qui s’évaporent, et le caniveau, et l’eau qui file, ses reflets miroitant en rayures torsadées dans le sens, dans le mouvement de la descente, pente douce, la route en goudron, ses empreintes de cailloux incrustés, passe, épaisse peinture blanche souillée de traces noires de pneus, de trainées de boue sous les pas, sous les roues, l’alternance de peinture et de goudron, rayures répétées, et trottoir à nouveau, passage à niveau, et goudron mauve, et traces de pisse en couleur, entre noir carbone et noir charbon sur fond bleu horizon, qui peine à sécher, mégots écrasés dans les recoins, plaque d’égout aux motifs géométriques, fonte antidérapante recouverte de jaune d’œuf, pavés autobloquants blanc, rouge, allée carrossable, dans les interstices la poussière se glisse, le sable s’immisce, maintenant les blocs entre eux mieux que colle, et sol en ciment, cache-misère, où l’ombre des arbres et de leurs feuilles dansent et tremblent, sol pavé laissant pousser quelques brins d’herbe, recouvert de papiers gras, de canettes de boisson gazeuse éventrées, de masques chirurgicaux, de paquets de cigarettes vides, de Kleenex usagés, de feuilles mortes qu’un léger souffle de vent fait tourbillonner sur place, tous ces confettis du quotidien qui jonchent le sol. Si seulement.
« gris parle- date gravée dans le mou de la matière » et toutes les odeurs. Les ombres. Sol, si là : lumières matières de vos sols: parlent.
Merci Nathalie, touché par votre commentaire, et que toutes ces matières vous parlent. Je dois reconnaître cependant qu’en cherchant des nuances de gris pour écrire ce texte, j’ai trouvé ce « gris parle » (en fait j’ai mal lu, il fallait lire « gris perle » bien sûr), mais cette erreur, ce lapsus calami, cette perle, pourrait-on dire, me plaît bien et comme il me parle !