Neuf fois le nom de Charles Baudelaire sur les plans et cartes tout autour de sa tombe et celle-ci de rue, une rue infiniment longue, la plus longue rue Baudelaire de l’univers elle draine Aubervilliers et bute à Saint-Denis un jour, un jour il faudrait venir boire un café dans le Café Baudelaire mais il n’a pas l’air en trop bonne santé, en face il reste le Franprix mais Coif Shop et cette façade jaune aveuglée et le rez-de-chaussée de la maison de briques rouges au milieu on dirait déjà mais en hommage la promesse d’une démolition proche. Et quant à Paris : mais Paris n’a rien à voir avec Baudelaire bien sûr sinon les 32 chambres qu’il y a occupées jusqu’à crénom la dernière, il fallait une rue discrète si discrète que d’un côté c’est l’école barricadée de barrières et en face une caserne des forces de l’ordre non jamais des jamais son fantôme la nuit ne vient marcher là ces précautions étaient nécessaires. Parfois ce sont juste des arrêts de bus, peut-être des séries, le nom de Baudelaire subrepticement glissé parmi celui d’écrivains moins drapeau moins charogne plus passepartout : moi je n’ai pas lu Gabriel Péri qui souvent le voisine ou le masque, pour Rimbaud c’est pareil on ne manipule des noms pareils qu’avec gants latex et pincettes en tout cas sur l’avenue qui porte nom plus glorieux la vitre transparente et le mot Baudelaire et pareil deux communes plus loin sur la promenade aménagée bord de Marne et les promeneurs s’ils ont sorti leurs téléphones et n’en lisent même pas le nom or et vert Baudelaire c’est qu’ils le lisent concentrés sur leur écran et le marmonnent à haute voix. Pour les lotissements ça fonctionne par séries donc ici les oiseaux là les villes et dans ces immeubles à l’horizontale que sont les maisons accolées avec les fenêtres en série fractale et les portes de garage en PVC basculantes (on ne met pas les voitures dans ces garages mais des tas d’autres choses y compris celles que parfois on ferait mieux de jeter, et en serrant bien on a de quoi garer les deux voitures avec vue plongeante depuis la cuisine), j’ai trouvé plusieurs villes comme ça et jamais on n’appellerait ça « impasse Baudelaire », il y a pourtant aux Sables d’Olonne (l’impasse Baudelaire est à Château d’Olonne, les deux villes ont fusionné et c’est la ville natale de ma mère alors oui ça me chagrine), au Havre, à Aizenay, Arnas, Saint-Martin des Champs, Saint-Aigulf et Mondeville des impasses Baudelaire on peut supposer que c’est eux les gens ou leurs édiles qui dans leur pauvre cerveau sont en impasse, ici pour le lotissement et pareil deux communes plus loin on appelle ça allée Baudelaire même si c’est bouché au fond ou square Baudelaire même si on n’a même pas la place d’y faire demi-tour. Et si ça vous ennuie trop pour le soufre que ça représente Baudelaire, on réservera ça aux établissements scolaires, Rimbaud plutôt les maternelles et les primaires et Baudelaire c’est parfait pour un lycée pro, les gamins qui attendent leur nouveau destin ils s’en souviendront probablement du nom Baudelaire même sans le prénom (c’est pourtant bien « lycée professionnel Charles-Baudelaire » l’intitulé officiel) et non, jamais vu d’école Jeanne Duval. Encore un saut de puce sur la carte et là dans le fouillis des constructions et épavistes (normal, puisque Les épaves) la Google Car n’a même pas pu se risquer ni moi autrement voir que d’en haut, mais le nom : oui le nom reste en rouge comme pour les marquer à jamais. Et qui aurait vu du mal à ce qu’on nomme Baudelaire cette rue longue, étroite et terne puisque on a fait en sorte vu le prix du terrain que les immeubles (pareil rue Froidevaux mais elle le cimetière scié en deux, Maupassant, Kessel et Citroën là, Baudelaire, Tzara et Cortázar là) on les a construit à en frôler le mur – j’aurais tant aimé que le nom Baudelaire s’affiche en grand sur la camionnette rouge alors je le lui aurais dit, à Baudelaire, de partir avec et de parcourir à l’infini la nuit de nos villes. C’est pour qu’il n’y ait pas de jaloux que dans ce noman’s land à peine goudronné encore on leur a ménagé un angle droit : une avenue Antonin Artaud figurez-vous sur quoi elle donne à l’angle ici la rue Baudelaire et qu’on se rassure : aucun voisin pour écouter ce qu’ils ont à se dire.
Pas de Charles-Baudelaire ni d’Arthur-Rimbaud seulement Paul-Verlaine et Victor-Hugo pour deux écoles maternelles de Saint-Maximin-la-SainteBaume
moi, j’y danse à 19h30, juste à côté d’une des impasses, alors rendez vous à 18h15 au pied de la pancarte, chiche ? saurez vous deviner la quelle ? y’a pas pas d’arnaque !
Saperlipopette ça se précise ! L’apollonien résiste encore un brin au dionysiaque, mais déjà je sens que ça barde… en tous cas chez moi.
Du coup sobre ou pas sobre, de toutes façons l’idée qu’il va falloir charogner se dégage peu à peu.
Se mettre sur le côté ou en avant
Trouver une solution pour explorer mondialement via Google Earth
Ou alors rien de tout ça
Seulement y aller, commencer.
Mais ça se précise !
Merci François !