L’océan rejette les algues sur la jetée, une bouée perdue dans une tempête en folie et les débris des toitures arrachées, rue Saint-Yon les premiers clients poussent la porte du café étroit, au premier l’habitation, au dernier étage la terrasse, un garçonnet en culotte courte et chaussette blanche pose devant la devanture, sur la place de Verdun les passants se croisent, s’y est joué l’histoire, troupes et chars défilant en ligne droite, la cathédrale a fini de sonner ses cloches et au port de commerce, les grues du môle touchent le ciel, les silos à grains dévorent l’horizon, plus aucune maison n’y regarde le large, ils y ont vécu, dans ces habitations basses mais aucune bouche ne peut plus m’en décrire les pièces, si je devais détacher la façade, ce ne serait qu’invention, embellissement sans doute, un blockhaus puis deux, puis trois, gris, tagués, les ouvertures ensevelies, bientôt repris par la terre ou les enfers, les pas des vivants sur le sentier côtier, blanc de gravillon, poussière soulevée au gré du vent, survient le croisement des routes, les destinations multiples, les contours flous des parcs et jardins, les boulistes concentrés, les enfants sur les balançoires, leurs cris ravivant les mains qui se tendent et balancent, au couvent des Clarisses, les sœurs se sont tues, elles ont emporté les ruches et leurs chants à plusieurs voix, le portail, les mille pas, la frileuse attente que les pans s’ouvrent pour regarder derrière, au-delà de l’ouverture qui ne m’est plus autorisée de voir, alors il faut soulever la façade et se remémorer les pièces, la cuisine ancienne et son ballon d’eau chaude, le chai à la terre battue et son amoncellement de paniers, caisses, chaussures de toutes tailles, toutes formes, l’escalier propice aux peurs d’enfant, le long couloir sombre, tapissé d’énormes fleurs marrons, quatre portes, une chambre à l’armoire vitrée, une salle de bain bleue ouvrant sur une chambre mansardée.