#40jours #02 | Retour

Il referme le portail derrière lui et chemine dans la courte allée qui mène à cette maison bourgeoise, dans une banlieue aisée, une maison pour une grande famille qui vient de quitter Paris après la naissance du dernier.

Un escalier imposant et, sur la droite, une véranda vont rester en place. Pour le reste, il enroule la façade comme un store. La demeure semble être mise à nue. Sur la gauche de l’escalier en entre sol il s’attarde sur la grande table avec une couverture recouverte d’un drap où un fer à repasser, le nez en l’air, attend son heure. Il se penche un peu et au fond, derrière la table, il y a la machine à tricoter et encore plus en profondeur reconnaissable à sa forme et au blanc, le cumulus.De l’autre côté, c’est sombre, du charbon séparé en deux tas, l’un de houille, l’autre d’anthracite qu’il faut pelleter tous les jours pour nourrir la chaudière.

Il monte le regard marche à marche. L’entrée est cachée en partie par l’armoire bretonne mais il aperçoit la commode avec le dessus en marbre, le téléphone noir en bakélite posé sur le bord, un modèle PTT24, un miroir bordé de dorures. Le sol est un damier de carrelage noir et blanc. Une chaise avec accoudoir, un porte parapluie rapporté d’Asie, blanc avec ses ramages bleus et ce dragon noir en relief. Une autre armoire est sur le côté, la porte restée ouverte dévoile des serviettes en pile, des nappes pliées, des porte-serviettes avec des initiales brodées au point de croix. Dans le prolongement de la porte d’entrée un porte-manteaux mural chargés de noir et beige. Il devine l’escalier qui monte aux étages. Au-dessus du charbon c’est une salle à manger avec une grande table placée en longueur, couverte d’une toile cirée, une armoire normande s’impose avec presque en face un gros buffet bas avec une serrure ancienne. Là aussi il y a un dessus en marbre sur lequel sont posés des dessous de plats. Au fond une table roulante avec une panière, un pain de 2 livres prêt à être tranché. Des chaises avec cannage rangées tout autour et contre le mur. Cette pièce s’ouvre par une alcôve sur un double salon, deux canapés avec coussins, plusieurs fauteuils de style une table basse, les pieds inspirés par l’art chinois, des éclairages sur pied, des tapis, quelques magazines, un grand tapis iranien. Un parquet en chevron unit ces deux espaces. Il regarde d’abord en biais par l’ouverture puis se décale et par la véranda en demi-cercle repère un magnéto à bande dans la partie plus petite. Il pourrait entendre la musique mais là c’est le silence qui prime. Une femme dans un fauteuil crapaud est en train de tricoter et seul le cliquetis des aiguilles donne un semblant de vie à cette scène.

Il s’éloigne un peu pour voir les pièces du premier étage. Au-dessus de l’entrée, une chambre, un lit défait, une place, est collé au mur du fond, une commode en bois brut sert de chevet, un tapis marocain comme descente de lit. Un tableau noir peint à même le mur. Il lit des formules mathématiques, des listes à faire, un morceau de poème. Un bureau avec une lampe en cuivre et l’abat-jour vert. Beaucoup de choses trainent par terre, il ne repère pas toujours ce que cela peut être. Un espace étroit dans lequel il y a une douche et un lavabo. Une autre chambre avec un matelas posé à même le sol, des planches posées sur des briques forment un espace de rangement sur lesquelles il devine les livres et des vêtements. Une radio, un journal au pied du lit, des chaussettes en tire-bouchon, une table avec deux chaises. La lampe allumée, posée au milieu, révèle un tas de papiers, plusieurs livres ouverts, un pot avec crayons et un cendrier qui mériterai d’être vidé. Une silhouette, les cheveux en bataille, est penché sur un cahier, stylo en main, la radio diffuse des actualités en continu. Les murs sont couverts d’affiches, de posters, de photos. Au-dessus de la véranda un balcon avec rambarde donne dans la chambre parentale ? Un grand lit au milieu, des carpettes vertes deux chevets identiques avec lampes assorties. Sur l’un, un cadre avec la photo d’un nouveau-né. Un fauteuil recouvert de velours grenat est près de la fenêtre coté balcon. Sur le mur opposé une fenêtre, cette pièce traverse la maison. Une veste est posée sur un valet, des chaussures cirées attendent. Quelques tableaux habillent les murs et surtout, ce qui le frappe, c’est le Christ de Dali juste au-dessus du lit.

Il se recule encore mais ne voit que le toit qui lui, est resté en place. Il imagine des combles dans lequel on remise le passé, tout ce dont on se sert plus mais qu’on n’arrive pas à jeter. Des jouets d’enfants déjà grands, des malles héritées qui abritent du linge de maison dont on ne se servira jamais, des cartons de livres qu’on se promet de trier dès qu’on aura un instant. Des morceaux de vie qui dorment, oubliés.

A propos de Véronique Hilly

Ça commence par une scolarité (lointaine) où écrire tenait du cauchemar. Il y a quelques années une amie propose un atelier d'écriture et pourquoi pas. J'y ai découvert d'avoir un plaisir immense à écrire. Alors je continue !

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