Basile s’est endormi mais sa nuit sera cauchemardesque.
Des façades, écroulées, des bombes qui éclatent, des cris, et encore des cris.
Soudain, il se voit transportant des briques de Lego® gigantesques. Il avance, sérieux comme investi d’une mission sacrée : reconstruire la ville, réapprendre la vie.
Il se réveille en sursaut, les bras endoloris d’avoir porté tant de briques.
Il se retourne, se cale sur son coté gauche mais le reste de la nuit est tout aussi tourmentée.
Les dernières images vues avant de fermer son ordinateur le hantent.
Des cuisines, il n’en reste plus que les réfrigérateurs, grandes carcasses blanches encore verticales ; un vélo bleu en équilibre prêt à dévaler les quatre étages d’un escalier aux marches cimentées. Il se voit en train de décrocher un lustre.
Quand tout cela finira-t-il ?
Des lustres, ils n’attendent plus qu’on appuie sur le bouton, la vie pourrait recommencer, les repas autour de la table…
Des draps, ils séchaient au balcon. Vêtue de son anorak gris à la doublure verte fluorescent, elle n’y croit pas. Elle appelle au secours Basile. Il n’entend pas, ne comprend pas, ne parle pas sa langue.
Façade éventrée, le portique rouge supportant deux balançoires est toujours debout. L’enfant se balance, ignorant le danger qui rode.
Il chante à tue-tête :
Et je vole et je m’envole / Et je danse et je m’élance / Et je roule /et je m’enroule oh, oh oh oh
Pourquoi ses nuits ne sont-elles peuplées que de façades éventrées, de vies brisées. Heureusement et miraculeusement, les artistes de l’endroit veulent rendre la vie aux villes dévastées ; ils en peignent les murs, remettent des couleurs à la grisaille des journées.
Le réveil sonne, Basile se souvient du dernier mur vu. Digne d’un gratte-ciel, un mur où des centaines de livres aux couvertures colorées sont bien rangés. Une bibliothèque en plein air mais où est l’échelle pour atteindre l’ouvrage tout en haut à gauche. Il sait que c’est le sien, celui qui lui est destiné.
Le Petit Prince l’attend.
belle convergence divergence d’avec le jeu narratif des images – ça aussi on va creuser… l’idée de la démolition aussi (en pensant à celle décrite au début du Malte Laurids Brigge)
Merci pour ce beau texte.
Quand les façades ne sont plus enlevées par la fiction… mais éventrées par la réalité…
Merci pour ce texte et son dialogue avec les photos. L’art reconstruit ce que la réalité démolit.
balancer entre les photos et les textes, belle alternance… merci
Oh, il me dit tellement ce texte ! Vous avez écrit ce que je n’ose pas, ce que je n’arrive pas à dire. Merci infiniment !