#40jours #02 | ici

Quadro 122 par Flavia Melnik sur https://www.flickr.com/groups/demolitionart/

La nuit pointe, la lune presque ronde, les étoiles prêtent, l’heure des aurevoirs solitudes.

Ici rituel coucher, deux petites têtes blondes s’apprête au sommeil, elles se blottissent, les livres s’étalent autour, les voix chantent berceuse, les doigts câlins préparent le souffle doux., la lumière tamisée, le chat au pied, la chambre rangée pour accueillir. Derniers échanges de baisers, il faut tous les faire : l’esquimaux, le barbe et la joue frottée, sur la pointe les parents se dérobent, des je t’aime envoyés, quelques chuchotements encore, parfois des rires et puis la nuit emporte.

Ici déjà au lit, les chambres identiques, l’heure régulée du soin, même pas fatiguée au lit, le corps qui lâche n’autorise plus les choix, l’aide-soignante est passée, elle ne dort pas mais elle ne bouge pas, elle ne peut pas. Vestiges d’un passé lourd, d’une famille pleine le mur raconte en photo et dessin, la petite fille dit je n’aimerais pas que mémé meurt, elle ne sait pas, et si maman ?

Ici elle fume, un livre à la main, emmitouflée dans une polaire rouge, dehors pour ne pas polluer dedans, le sommeil peine alors elle fume et ressasse et lit et peint pour ne plus, la maison pleine entend les rires et les cris d’avant, quand les enfants petits, quand les enfants pas partis, les objets s’accumulent, une cheminée borde l’escalier et réchauffe un canapé, il occupe la place du salon et attend qu’un corps s’installe, plusieurs chats déjà s’étirent.

Ici une télé écrase, elle diffuse un programme que bientôt le sommeil n’écoutera plus, un couple enlacé dans le canapé rouge cuir qui brille mais froid, une table basse vestige du repas soupe riz au lait des jours calmes, des jours à deux, des jours repos, les corps parfois relâchent le contrôle, les étranges priorités demain, aujourd’hui deux et puis verra.

Ici photo magazine, tout est beau et prêt à l’emploi, rien ne dépasse, l’agencement avec soin prévu, un canapé harmonieux devant un écran éteint, le coucher tôt pour la fatigue pleine, derrière la porte un lit moelleux, un tas de coussin, blanc vaporeux, un corps de femme seul se repose du jour actif, ne jamais arrêter le mouvement, gym, marche, garde, conserver l’envie du lever, prolonger des années formes.


Ici une tête imagine les vies aimées et se dit que pas maintenant pour quitter.

4 commentaires à propos de “#40jours #02 | ici”

  1. « d’une famille pleine le mur raconte en photo et dessin, la petite fille dit je n’aimerais pas que mémé meurt […]
    J’aime votre texte si près de la vie qui ne se confond pas avec les images de la vie. Comme un décalage entre la description et le sentiment intérieur… Le contraste entre « un canapé harmonieux  » et « la fatigue pleine », comme un hiatus, une tentative vaine de’prolonger les années formes ».Celle qui écrit en a une conscience vive.

    • En ce moment pour moi un épisode qui me rapproche visceralement de l’existenciel et de ce que cela suppose avec mon autour. Merci pour votre commentaire.

    • Merci de la lecture et du commentaire. J’ai beaucoup de mal à trouver le temps de lire et écrire et tenir la distance mais j’aime recevoir des messages qui disent j’ai lu. 🙂