1995, un matin d’hiver, l’enfant dans sa cachette, les planches rongées, les poutres de la charpente, il est assis sous les tuiles du toit, une seule transparente, au-dessus du livre, il tourne les pages du livre, il ferme le livre, il écrit dans un cahier. Le reste de la pièce est vide : çà et là des brins de paille, des toiles d’araignées, un cageot sur lequel l’enfant a posé le cahier, un tabouret pour le livre, mais c’est assis par terre que l’enfant écrit, le dos appuyé contre le mur mitoyen.
1995, un matin d’hiver, elle s’affaire dans la cuisine, pèle les carottes, touille le ragoût, goûte la sauce, puis elle s’assied à la table, sur le banc d’angle, elle ouvre le journal, le feuillette distraitement, se relève, va chercher ses lunettes près de la boîte à pain, et le dictionnaire. Derrière elle, pendant qu’au crayon papier elle fait ses mots croisés, la jeune fille du tableau donne à manger aux poules et l’écrivain public trempe sa plume dans l’encrier.
1995, un matin d’hiver, il est assis sur les toilettes et il tourne son papier. De temps à autre, il guette son reflet dans le miroir et il sourit, puis il recommence à tourner son papier. En face de lui, le linge tourne dans le tambour, il répète parfois ce mot, tambour, et ça le fait rire. Le carrelage beige, ces espèces de têtes dessinées dessus, une seule à l’envers, la foule des brosses et des lavettes, et lui sur les toilettes qui tourne son papier et qui répète à l’infini ce mot : tambour.
Très beau ces trois instants !