Dans la chaleur de l’après-midi les doigts sur la table, le rythme d’une chanson perdue, les voilages lourds en l’absence de vent, la soif. Un camion fumant de noir gasoil descend la rue. Vente de pastèques à l’écorce couverte de glaise, chair rouge sang, juteuses, pas chères. Dans la chaleur de l’après-midi les doigts sur la table, le rythme d’une chanson perdue et dehors les maisons pas finies, parpaings, terrasses nues, cuisines sans gaz, tout ce provisoire, toutes ces promesses sans certitudes. Dans la chaleur de l’après-midi les doigts sur la table, le rythme d’une chanson perdue et, dehors, passé les voilages immobiles, le quartier avec ses bus aux arrêts introuvables, ses kiosques en tôle qui vendent magazines décolorés, bonbons, glaces à l’eau. Dans le ciel apparaît un avion au ventre lourd. Dans la chaleur de l’après-midi les doigts sur la table, la chanson perdue prend un rythme de sirène d’alarme. L’œil du pilote sur le terrain d’attaque : quelle image des collines boisées, du quartier aux maisons pas finies, des rues aux trottoirs défoncés, des tanks en carton aux croisements, des vendeurs de pastèques dans leur camion puant, quelle image des passants qui s’enfuient à son approche ? Dans la chaleur de l’après-midi la chanson s’interrompt, les doigts se suspendent, attentifs et inquiets, dans l’attente de la première explosion.
Ça fait peur. Merci de nous dire cette réalité.