#40jours #01 | Satellite of love

La tête penchée sur l’écran du téléphone il vise, sa flèche frôle la fleur de prunier et va se ficher dans le tronc, raté, une fois de trop, l’écran clignote, il redescend au niveau deux, va falloir tout recommencer, putain de jeu, il fait quelques pas sur l’allée, le Gardien sort de l’échoppe de l’oiseleur, l’aperçoit plus loin, ce gosse pourrait pas rester en place ? viens là, reviens, ils avancent l’un et l’autre, se rejoignent devant la boutique du confiseur, tu pouvais pas rester là-bas comme j’t’avais dit, m’attendre devant le marchand d’oiseaux, énervé le Gardien essaie de calmer sa voix de détendre son visage, il faut rester lisse sous l’œil des caméras de surveillance, marcher tranquillement, comme deux passants anodins qui avancent à présent sur l’allée centrale du marché alors que les primeurs bradent leurs fruits trop murs et que les poissonniers balaient l’eau gluante écoulée de leurs étals, deux silhouettes qui se mêlent à la foule remontant vers l’esplanade à la fin du marché, deux points fondus dans le fourmillement général, stroboscopique, qui se déplace par micro-secousses sur les images satellite où Long Mercy Camp n’est plus qu’un rectangle pâle, plat, dans un foisonnement de gratte-ciels dont on aperçoit quelques ombres portées sur la surface bleue de la mer.

A propos de Muriel Boussarie

Je travaille sur un chantier d’écriture au long cours et j’espère avoir assez de souffle pour le mener à terme. L’intuition de ce projet a surgi ici, dans un atelier du Tiers Livre. Il était question de se perdre dans la ville. Comme je ne voulais pas suivre une piste trop autobiographique, j’ai délocalisé l’errance en la situant dans la ville de K., un avatar de Hong Kong qui m’avait tant fascinée. Alors un personnage, un homme, Tu, toujours interpellé, est immédiatement apparu dans une rue de K. où il s’était égaré. Malgré cette entrée en matière – très forte pour moi – je n’ai pas pensé au départ écrire une histoire, encore moins un livre. Mais je voulais écrire, rêver un univers, celui de K. Quelques textes ont ainsi vu le jour sur mon blog. Puis lors d’un nouvel atelier de François Bon, un fil d’histoire plus précis s’est ébauché : le départ de Tu et L. vers les îles pour fuir la dictature qui sévit à K. À ce moment-là s’est déclenché un grand désir de narration. Beaucoup de choses se sont précisées au fil de l’écriture, bien des personnages sont apparus… Et régulièrement j’utilise des consignes de l’atelier comme pistes pour développer mon récit.

2 commentaires à propos de “#40jours #01 | Satellite of love”

  1. Bonjour Muriel,
    embarquée par cette microfiction où le recul sert à disparaître, dans une ambiance où l’on préfèrerait ne pas être sorti du jeu, whaou… et tout ça en quelques lignes, j’admire !

    • Merci d’avoir embarqué Catherine et d’avoir pris le temps de ce retour, à très vite dans ce chemin