Dans notre village, pour répondre à la demande de ceux qui veulent quitter les grandes villes, des maisons apparaissent dans des lopins de terre, réduits souvent. Dans la commune un projet urbain a été défini et réglemente l’occupation des sols. C’est le PLU. Non, pas plu-s d’espace pour construire, mais au contraire exigence de petites parcelles et de préférence des maisons mitoyennes. Finis les grands parcs, les vergers de pommiers et les grandes demeures qui, à leur retour au pays, furent construites par les émigrés qui cherchèrent fortune au 19ème siècle au Mexique (et ailleurs). Finis aussi les toits de tôle rouillée des maisons pauvres, de bardeaux de mélèze pour les plus riches. Maintenant, s’imposent les toitures en bac acier de couleurs différentes. Uniformité industrielle. Le village s’expanse en sa périphérie, s’éloigne des torrents et du creux du vallon.
Il fut autrefois blotti au pied du château, les archevêques aimaient s’y reposer, il y a quelques mille années. Aujourd’hui il ne reste plus rien de la forteresse ; si, dans l’ancien colombier, a été créée une merveille, le jardin des tulipes, rose-lilas, cœur violacé, au passé mystérieux, mais de Guillestre, les tulipes de Guillestre, espèce endémique sauvage protégée, en floraison début mai. Le bourg fut protégé par des remparts dont subsistent quelques pans et des portes dont j’ai oublié les noms, de saints évidemment. C’étaient – c’est encore — ruelles étroites et tortueuses, glacées l’hiver et dérapantes, ainsi la rue du casse-cul bien nommée.
Rare longtemps fut l’eau en Guillestre, les deux torrents étant souvent à sec. Tout a changé quand un enfant du pays, Joseph Salva, a osé capter les eaux du torrent du Cristillan et créé un canal long de quelques six km et ainsi donné vie au pays, eau un bien commun à protéger. Sur la place centrale, est érigée un obélisque, A/Joseph Salva/conducteur des Ponts-et-Chaussées/auteur du projet du canal dérivé/du torrent de Ceillac/les Guillestrins reconnaissants/1875-1899. Ici, peu de piscines, trois peut-être près des maisons récentes et tapageuses des riches « rapportés » de la ville.
Rapportés, ceux qu’autrefois les gens du cru surnommaient les doryphores ! Ça aussi, c’est oublié, les rapportés font vivre l’économie locale, en marge parfois – pas tous, le tissu associatif vivant crée des liens très forts — du Guillestre, comment l’appeler, profond, ancien ? et qui disparaît peu à peu, avec l’arrivée de jeunes qui tentent l’aventure en terre nouvelle, loin de l’agitation des villes, de la consommation souveraine.
Un cadre de vie ouvert sur la montagne, les fleurs, la neige, à mesure humaine, à ma mesure, paisible. Rapportée, je l’ai été peut-être un temps quand j’ai quitté Marseille. Aujourd’hui, en ce pays que j’ai choisi, adopté, j’accroche mon passé à son présent.
Et les cours des écoles retentissent des rires des enfants.
Du froid des toits uniformisés au rire des enfants, et l’amour du pays choisi, elle est très présente, et réelle, la ville aimée,
« il ne reste plus rien de la forteresse ; si, dans l’ancien colombier, a été créée une merveille, le jardin des tulipes, rose-lilas, cœur violacé, au passé mystérieux, mais de Guillestre, les tulipes de Guillestre, espèce endémique sauvage protégée, en floraison début mai. »
» Aujourd’hui, en ce pays que j’ai choisi, adopté, j’accroche mon passé à son présent. »
J’aime beaucoup votre descriptif historique de l’endroit qui s’est tant transformé. Est-ce que les fleurs finalement dans leur régénération transgénérationnelle ne sont pas ce qui relie les époques et les moeurs ? Je ne regarderai plus les tulipes sans penser à vous et à votre vie d’adoption désormais. Et ça me fait même sourire. Dans mes vélléités de retour à « ma » campagne j’ai toujours fantasmé de planter des tulipes, et j’en suis encore à rater la saison des bulbes . Si vous avez un protocole, je prends !