Mélanie, occupée dans son jardin potager près de la rivière, avait tout observé, la mise en place d’un dispositif de sécurité autour du barrage, les voitures de gendarmerie et leurs gyrophares, la pose d’un hélico. Un accident, une noyade, peut-être ? Elle se renseignerait au village tout à l’heure, en achetant son pain, la boulangère est une redoutable commère ! Mélanie, en bonne paysanne, avait continué à sarcler ses planches de légumes. Demain c’était marché à l’Argentière, elle irait les vendre. Bien sur, ils n’avaient pas l’étiquette bio, mais agriculture raisonnée, oui, elle en était fière, pour elle hors de question d’employer des pesticides, insecticides, herbicides et autres saloperies nuisibles au vivant. Elle était fière de ses carottes dodues, de ses blettes luxuriantes, de ses salades bien pommées, de ses courgettes luisantes. Trop tôt encore pour cueillir ses tomates, – des tomates anciennes uniquement, elles ont du goût ! –. Elle les admirait, les imaginait s’épanouissant dans la chaleur des beaux jours, la toute belle noire de Crimée, l’insolite cornue des Andes, la rose de Bern insensible au mildiou, la somptueuse mais tardive Ananas, et surtout, surtout, les tomates Cerise, joyaux brillants au soleil, que ses petits-enfants aimaient ramasser et qui rivalisaient en éclat avec les bijoux que sont les groseilles. D’elles, elle éloignait les merles, ces pilleurs, qui ce printemps avaient fait ravage dans les cerisiers. Ils avaient poussé l’impudence jusqu’à la cribler des noyaux qu’ils rejetaient après dégustation des fruits ! Son travail de jardinière terminé, pour le plaisir, Mélanie cueillit des fleurs pour un bouquet. Des roses thés, des branches d’hortensia, non, pas les sages hortensias bretons d’un bleu intense, mais hortensia Annabelle, aux fleurs blanc crème. Ce bouquet, elle irait le déposer au pied de la statue de La Vierge en l’église Saint-Martin et lui adresserait une prière, si d’aventure il s’avérait qu’un noyé avait été retrouvé en Durance. Elle le savait, la rivière est traîtresse en crue printanière.
Pas témoin… mais prévoyante Mélanie.
Belle histoire, Christiane !
Merci.
Merci pour ce texte et ces deux histoires parallèles où Mélanie cueille à sa façon les événements qui l’entourent !