Blottie dans le transat, je laisse mon regard divaguer. À mes pieds, dans l’herbe rase, un escargot fait sa trace. Des pâquerettes lui font barrage. Il les contourne. Devant lui, s’élargit le champ : une pente légère s’élève au bout du jardin. Derrière sa clôture de bois instable, je devine le sentier des douaniers, les touffes de graminées qui le bordent. Et l’échelle de fer qui permet de rejoindre la plage. Branlante, glissante. Se déploie la plage à marée basse. Sur le sable sec, des traces de pas, des empreintes laissées par les chiens et les oiseaux. Des traînes d’algues abandonnées par le ressac. Des coquillages. Un crabe poussif. Des barques échouées, couchées sur le flanc. Et des mouettes qui planent. Plus en avant, la mer retrouvée, d’un bleu métallique. Friselis argentés à sa surface. Îlots de rochers bruns, torturés sur lesquels se brisent les vagues en panaches blancs d’écume. Plus en avant encore, trois voiliers filant vers le large. Voiles gonflées. S’élevant vers le ciel, un phare ; à ses pieds s’étend l’île de Batz. Je reconnais les digues du port, les criques de sable blond, une pinède. A droite, la ville de Roscoff dans la brume. Elle semble être soudée à l’île et pourtant, je le sais, un bras de mer les sépare et plus encore un courant fort. À gauche, la courbe de l’horizon, mer et ciel confondus en teintes tendres, gris argent, bleu pastel, rose satiné. Au delà, c’est l’ailleurs, l’appel du large, les vagues qui se creusent sous la tempête et parfois un canot pneumatique minable, surchargé, à son bord des migrants qui fuient vers l’Angleterre rêvant d’une terre d’accueil et de liberté.