Ma mallette, je l’avais préparée avec soin, dedans : mes crayons, un cahier, mes barrettes, Croc Blanc, un mouchoir brodé, le dessin que j’offrirai à ma grand-mère. Ma mallette attendait le départ. Demain matin, en ce premier jour des vacances d’été. Ma mallette, je la fixais du regard, je n’avais rien oublié ? Je luttais contre le sommeil, je me suis endormie. Au petit matin, dans les rues l’eau coulait à grand fracas dans les caniveaux. Ma main dans celle de ma mère impatiente. Le Chapitre, l’ombre de ses platanes. Le tram, le 31. Ma mère me confiait au receveur, me recommandait d’être sage, ne pas oublier de descendre à Sainte-Marthe. Comment pourrais-je l’oublier, toute à la joie de cette arrivée ? Elle s’éloignait, comme toujours pressée. Je m’éloignais d’elle, du centre-ville. Déjà la gare Saint-Charles et son tunnel noir qui m’effrayait quand nous le traversions à pied. Déjà la place de Saint-Barthélemy où nous venions parfois rendre visite à une vieille cousine revêche, les poils de sa moustache piquaient, je n’aimais pas ses caresses. La ville s’amenuisait, les maisons s’espaçaient, rapetissaient, s’entouraient de jardins. C’était le saut vers la campagne, l’ouverture des prés et un troupeau de vaches, des moutons. Puis le camp militaire et la pancarte : dépôt des isolés métropolitains, dépôt de quoi, de qui ? Inquiétude. Si loin de l’appartement familial, de ses volets clos pour éloigner la chaleur, de son ordre parfait, des cris du marché proche, des rires de mon petit frère et des couinements de Sophie la girafe. Si loin mon petit frère, comme estompé, incertain. Si puissante l’accélération du tram dans la montée vers le plateau, vers mon but, mon rêve, vers ma grand-mère qui m’attendait souriante, vers les jours heureux dans son jardin, au milieu de ses chats, lapins et poules, auprès de mon arrière grand-mère qui me raconterait des histoires, dans l’odeur des crêpes et des fruits murs, dans la splendeur de l’été. Août finissant, le même tram, la silhouette de grand-mère qui devenait petite, de plus en plus petite, qui disparaissait. Et le trajet à l’envers, de la colline vers le rivage. De la liberté vers le petit pensionnat, toute une année les méchantes-bonnes sœurs m’y enfermeraient. J’apercevais au loin la mer et la Bonne Mère qui veillait, qui me protégeait. Le Terminus du tram, la sonnette qui tintinnabulait et si grand, si beau, si fort, mon père qui m’attendait, qui m’ouvrait ses bras. Ses bras n’étaient pas prison, mais tendresse.
beaucoup de bonheur dans tout cela…
le tram relié à ces petits voyages pour retrouvailles
merci Christiane pour cette tendre lecture…