Il habite au mobile home 24. On ne peut pas dire qu’il vient pour les vacances, il est là à l’année, tarif adapté, pour les permanents. Avant il était au HLM du Grand Tour, les belles années, un F4. Petites pièces mais trois chambres quand même. Quand elle est partie ça c’est gâté. C’est vrai qu’il s’est mis à passer plus de temps à boire le petit jaune au PMU qu’à briquer les sols. Elle l’avait toujours fait. Avec son Swiffer et son Vileda à frange. Jamais rien d’autre. Alors tu penses qu’est-ce qu’il en savait lui des produits de ménage et des balais à frange ? Pourtant ça aurait été bien de rester là, rapport à sa mémoire, elle n’aurait pas aimé habiter au camping. Bien sûr l’été c’était bien, les apéros, les barbecue, les copains de la Grande Motte. Mais à l’année au camping du coin, en face de la piscine municipale, pas sûr qu’elle aurait supporté. Et puis qu’importe maintenant. Il lui avait dit qu’elle fumait trop mais penses-tu ! Elle enlevait le filtres de ses Gauloises brunes, surtout les derniers temps, pour avoir des clopes plus fortes. Sa peau ne respirait plus. Jusqu’à qu’elle l’étouffe, la peau. Chaque semaine il changeait les fleurs avant de monter au bar avec son Aixam®. Il avait perdu le permis après le tournois de boules de l’amicale, y a trois ans. Tant que je peux monter en ville, boire un canon et parier un coup ça ira bien. Il habite au 24 . Mobile home avec vue sur la piscine. Enfin de loin. Deux cent mètres à peu près, à vue de nez. Il ne s’y baigne jamais. Il était là ce jour-là. Pas de touristes : on était en janvier. Même en août on n’est guère plus nombreux au camping, deux trois hollandais échoués ici, mais y restent pas, descendent dans le sud, une nuit ou deux, pour couper la route. Ce jour-là il l’a vu, sans doute le père, avec sa Clio, arriver pleine balle devant le camion de pompier. Il l’a même entendu hurler. Enfin il est presque sûr. Le bus avec les autres marmots qui commençaient à s’agiter, Chut, taisez-vous, restez à votre place- les instits ils ont fait comme ils ont pu, ça s’agaçait dans le car. Le grand, là, ça devait être le patron de la piscine, ou un élu, parce que pas sûr que les directeurs aient leur bureau ici, à la piscine municipale. C’est pas le maire, mais peut être un adjoint, faudrait demander au René, y les connaît tous, ces messieurs de la mairie. Il les retient lui, le jour où ils ont appelé la municipale pour le déloger, avec les mecs de Loire Habitat. Finalement on est pas si mal au camping, il ne se passe pas grand’ chose mais là quand même ça doit être grave, le car ne repart pas, et les maîtresses pleurent. Bien sûr il aurait pu descendre y voir de plus près, demain ça aurait pu discuter sévère au comptoir, il aurait tenu la nouvelle fraîche. Mais il se rappela de ces regards inquisiteurs le jour où ce qu’on l’avait viré, même des copains du PMU qui y regardaient sans rien faire. Alors il eut cette sagesse du coin qui fit qu’il rentra chez lui et prépara le repas du chien. Il achètera le Progrès de demain.
Bravo, on veut savoir.
Je vais demander au mec du mobile home 24 s’il veut bien nous en dire un peu plus! Merci Laurent!
Très belle connexion avec le texte d’hier !
Touchant…
Merci Marie-Caroline.
Merci Beaucoup Fil!!