Tous les escaliers ne se ressemblent pas. Il y a l’escalier droit avec la rampe froide métallique et sur lequel on fait une demie torsion à chaque palier, il y a l’escalier avec des marches usées, parfois même ébréchées où nul appui pour les mains n’est possible, alors on les tend sur les côtés pour forcer l’équilibre, il y a l’escalier avec de hautes marches ou des marches inégales qui requiert toute l’attention, il y a l’escalier qui descend au sous-sol dont on a survolé toutes les marches en un vol plané et l’on se retrouve le visage en sang, lunettes brisées à ne pas savoir si l’on peut encore bouger un membre, il y a les escaliers de forme hélicoïdale, on les dit à vis ou en colimaçon et le vertige qui gagne lorsque perché tout en haut on sent bien que tout est possible, il y a l’escalier raide, presque droit d’où l’on ne peut descendre que face contre lui en s’agrippant comme on le peut aux sortes de rampes de côté qui ne sont pas stables. Et puis il y a l’échelle métallique scellée à la paroi de béton avec une main courante tout en haut pour se mettre en position, dos au vide, et la descente qui commence sur les barreaux humides et glissants, et la noirceur qui gagne au fur et à mesure que l’on progresse, tout se fait au toucher du bout du pied, et l’on est mal à l’aise car on nous a dit de mettre des bottes en caoutchouc à cause de l’eau plus bas et on continue de descendre, on a oublié de compter les barreaux pour raconter plus tard, et on va doucement en se demandant bien ce qu’on est venu faire dans cet endroit, que la lampe tenue par l’accompagnateur n’éclaire vraiment pas beaucoup et que plus on descend et plus le borborygme du début de l’avancée prend de l’ampleur devient bruissement puis vacarme recouvrant les voix et amplifiant l’inquiétude qui ne peut s’empêcher de gagner. Enfin le pied touche le sol aqueux, l’œil s’habitue à la faible luminosité, et se confronte même à quelques tags jaunes en dessous des gros tuyaux qui courent le long des parois. On entend les commentaires du guide qui annonce que 5 kilomètres de galerie traversent ainsi la ville, et que là nous sommes sous le cours Victor Hugo, que le Furan a pris sa source sur la commune du Bessat à plus de mille mètres d’altitude et qu’il va s’écouler sur une quarantaine de kilomètres avant de se jeter dans la Loire. Mais dans le centre de Saint-Étienne, il a été recouvert et continue son cours dans les entrailles de la ville. Et sachant depuis l’enfance qu’il a longtemps servi d’égout pour la ville, on s’attend à tout instant à voir des rats et détritus passer entre les jambes. Mais c’est le bruit qui est le plus surprenant, cela fait un boucan d’enfer, car le flux d’eau résonne sur les parois de pierres et de béton alors que le détail de sa course nous est donné avec les noms de rues et de places sous lesquelles ce serpent d’eau sinue, ne laissant rien paraître à quiconque arpente de l’autre côté le macadam de la ville, des méandres de cette vie souterraine d’où je n’ai qu’une hâte c’est de m’extraire. Et retrouver le cours de l’eau et de mes pensées à l’air libre au nord de la ville.
Merci pour cette surprenante excursion !