On ne quitte pas la ville sans effort. La ville ignore l’individu. La ville est un virus . Elle est assoiffée de sang humain. Il lui faut de la foule de la masse alors elle s’épaissit, se densifie renforce lentement son centre d’inertie. Plus elle croît, plus il deviens difficile pour l’individu de lui échapper, elle tourne sur elle même, planète au sein de la planète sa force d’inertie est centrifuge, son attraction magnétique. D’ailleurs elle est le plus souvent bordée d’un anneau circulaire. Elle n’est pas novice cela fait des siècles qu’elle ingurgite qu’elle se gave. Les hautes murailles des châteaux forts ne servent à rien. Mieux vaut éviter les angles les cassures: elles sont des faiblesses , des angles morts propices à cacher puis à laisser s’enfuir l’individu. Le rond est plus sournois sous son apparente douceur. Ventre mou, peau flasque impossible à percer car fuyant. Difficile de prendre la tangente de sortir de l’orbite. Aujourd’hui je la quitte. J’ accélère dans l’habitacle hermétique. J’ai choisi une voiture à la carrosserie gris acier, couleur camouflage, histoire qu’elle ne me repère pas. Incognito. J’ai pris soin de ne pas paraitre suspect. Je suis parti avant l’aube. Pas trop tôt elle se serai douté de la ruse. J’ai roulé au pas. Je me suis même enhardit à poser mon coude nonchalamment sur le rebord de la fenêtre en sifflotant. Je sens sa présence ses petits yeux vicieux m’observent au travers des fissures sur les murs gris et c’est son haleine d’animal affamé qui suinte des bouches d’égout. J’approche de la périphérie, les blocs d’immeubles succèdent au blocs d’immeubles tous semblables entre eux tous semblables au mien. Sous terre, j’évite de penser aux galeries sombres du métro qui rendent le sol creux sous les barres colossales des constructions en béton armé. Je me concentre plutôt sur le ciel. Bleu uniforme. Je me dit que ce bleu est universel. Il permet de s’imaginer être à n’importe quelle saison , à n’importe quel endroit. Mon pied droit est douloureux, tordu dans une crampe sur la pédale de l’accélérateur collée au plancher. Il ne faut pas que je ralentisse. L’épicier est loin dans mon dos à présent, je ne peux plus faire marche arrière, il ne faut pas que je me retourne. Au Nord le bâtiment gris de l’hôpital s’embrasse dans le soleil levant. Je fonce droit vers l’Est pied au plancher. Je crois perdre toute notion de haut et de bas quand le grand parc dessine une tache vert pistache épileptique dans l’angle de ma rétine. Lorsque je redeviens maître de mon corps, la voiture s’est engagée sur la bretelle d’autoroute. Dans le rétroviseur, la ville n’est plus qu’un ridicule amas de béton gris qui cherche en vain à salir le ciel bleu avec ces hauts immeubles verticaux. Le soleil est derrière moi. J’ai réussit. J’ouvre la fenêtre , tourne le bouton rond de l’autoradio cherche une station qui diffuse de la musique.
parfaitement rock’n’roll
J’aime beaucoup votre début, avec la ville personnifiée telle un magma qui englobe l’individu et l’aliène. Jolie métaphore pour montrer le besoin d’évasion. La voiture est un choix parfait : on sent la vitesse, on échappe au nuage de fumée, la ville, et je vois une scène très cinétique. Au loin ne restent que des traces hautes et verticales de l’urbain, ces gratte-ciels (prenons l’expression au sens propre, vous avez tellement raison !) qui « cherchent en vain à salir le ciel », derniers tentacules laissés derrière nous.
Merci ! J’ai adoré.
🤘🏻