…plus près encore (non tu ne peux pas); fils, fuseaux, doigts ; (plus près, tu veux voir). Non ce n’est pas un petit pan de mur jaune qui pend : fils rouges, fils blancs, pelotes filaments; ni lait, ni sang; filaments de soie qui dégorgent de la boite à ouvrage comme un coussin ou un gros coquillage qui bave. Et ce livre d’heure qui ne dit pas le temps qu’il fait. Minutie — «chose de peu d’importance; menu détail qui ne mérite pas qu’on s’y arrête» «application très attentive aux moindres détails» , «petit, menu », «petite parcelle, poussière» — de ses menottes à l’ouvrage. Précautionneuse, La dentelière penchée comme extraire la cornée d’un œil. Et voir/regarder à ne plus voir que ce qui se dérobe; un motif tapi sous le poudroiement des lumières— la lèvre humide et la perle à l’oreille non ce n’est pas elle. Et voir qui opère, et suture, qui se penche et dentelle (infiniment ). L’invisible motif de ses fuseaux entrelacés.Son motif tapi.La dentelière suspendue au vide blanc d’un mur qui la dessine ( non ce n’est pas le petit jaune mur, ni le bleu turban, ni le blanc papier de la lettre…). Elle qui ne tient qu’à un fil dans sa chambre claire hors du temps; vingt et un et quelques centimètres d’un presque carré, tableau miniature dans le cadre gigogne en marquèterie pendu au mur où s’ombre une foule: un japonais, deux italiennes, des finnois et finnoises en groupe, et elles, et eux encore et encore… grincements de parquets, pas perdus, audioguides en Babel, Hafter-shave, friture, parfums. Un bébé joufflu porté en bandoulière regarde la lumière oblique qui frappe le tableau ( regarder le doigt ou l’astre qu’il désigne ). Dans cette pièce couloir où ils se serrent. Et dans l’embrasure d’une porte sans porte un gardien rêve: sa soupe. Par une fenêtre un jardin. Des arbres. Corps en mouvements vus en plongée, qui se croisent. Ciel. Bassin… Petite parcelle poussière: une dentelière …
Bonjour Nathalie,
Le texte est au plus au large de l’infini dans les mystères du tableau que lorsque tu recules la vision, on ressent ce vertige,
Belle entrée en « matière »,
Bonjour Nathalie
Ton beau texte me touche beaucoup.
Je ne sais pas dire ce qui en fait le charme puissant… mais ça marche très bien !
Infiniment fin, infiniment subtil. Merci Nathalie. Des grains de toute beauté.
oh comme tu sais arrêter le temps, merci
En lisant ce beau texte, j’ai repensé à un autre tableau auquel j’ai un temps pensé pour l’atelier, « Les Menines » de Diego Velázquez, en adoptant le point du chambellan de la reine et chef des ateliers de la tapisserie royale, Don José Nieto Velázquez à l’arrière droit de la toile, à côté de la scène qu’il regarde sur le seuil de la porte de l’atelier, et qui se réfléchit dans le miroir à sa droite, le portrait du couple royal, le roi Philippe IV et la reine Marie-Anne en train de poser pour Vélasquez pendant que leur fille les regarde.
Quelle mine ces Menines qu’elle démultiplication des regards. Merci Philippe
Catherine, Fil, Ugo, Caroline, Philippe Merci de vos lectures