Murs restaurés et voûtes médiévales, rue pavée, vestiges d’un ancien palais, médiéval lui aussi, briques rosâtres, pierre de taille, par endroits poutres de béton énormes et hourdis en guise de plafond, un lieu historique remarquable en plein centre-ville, avec ceci d’extraordinaire qu’il est totalement dissimulé à la vue : de fait, il s’agit des vestiges, situés sous la Place Royale, du Palais du Coudenberg 1, résidence entre autres des ducs de Bourgogne, détruit en 1731 par un incendie et dont il ne subsiste que ces ruines souterraines remises en état, et de ceux de la rue d’Isabelle du nom de l’infante qui régnait sur les anciens Pays-Bas espagnols pour qui une rue avait été aménagée entre le palais et la cathédrale et où s’est situé au XIXe siècle un pensionnat pour jeunes filles qui a accueilli les sœurs Brontë venues apprendre le français, rue détruite au début du XXe siècle et dont un segment était enseveli sous la place.
Dissimulée à la vue, mais dans une moindre mesure, au pied d’un escalier, dans une rue dont il ne reste plus qu’un petit tronçon en cul-de-sac venant buter contre la façade arrière d’un immeuble le long de laquelle défilent camions et camionnettes de livraison, une plaque commémorative circulaire entourée d’un liseré blanc et couverte d’inscriptions blanches sur fond bleu, pareille aux plaques commémoratives apposées sur les maisons d’écrivains en Grande-Bretagne : une plaque d’hommage personnel apposée clandestinement par une membre de la Brontë Society sur le soubassement du Palais des Beaux-Arts et qui n’a jamais été retirée par les autorités de la ville, figure même dans un livre consacré aux écrivains qui ont résidé à Bruxelles.
Cette gare a tout de la gare qui fait rêver et enflamme les imaginations, lieu de passage pressenti vers d’autres mondes, bâtiment surgi tout droit du passé, dentelle de ferronnerie, de pierre et de briques, clocheton percé sur les quatre côtés de fenêtres type hublots, fantasme quant à la fonction de cette tourelle qui peut faire penser à un périscope géant ou au bureau d’un architecte à la créativité démesurée : de style néo-Renaissance flamande, la gare de Schaerbeek2 avait compté parmi les plus importantes du pays puis était tombée en désuétude dans les années quatre-vingts et avait été fermée pour ne plus devenir qu’une simple halte, avant que son bâtiment, sa salle des pas-perdus et ses guichets anciens soient classés et qu’une nouvelle jeunesse lui soit rendue grâce à l’installation du musée Train World, conçu par le dessinateur de BD fantastiques et scénographe François Schuiten3 qui en a fait un véritable sanctuaire dédié à l’univers des chemins de fer.
Cathédrale de béton creusée profond sous le rond-point, immensité des volumes, éclairage aux néons de chantier, énormes colonnes sur socles plus larges, escaliers provisoires en béton à rambardes métalliques matériaux éparpillés au sol, briques, canalisations, fils électriques, emballages, débris en tout genre, gros œuvre inachevé, lieu caché derrière une porte fermée aux usagers, au bas d’une escalier en bois et rambarde métallique lui aussi, loin d’être unique, la ville comme un gruyère : c’est une station de métro laissée à l’abandon et réputée lieu de passage vers les univers parallèles pour les amateurs de fantastique, construite en même temps que la station Louise inaugurée il y a de cela bientôt trente ans.
Bâtiment blanc, d’un blanc immaculé, trois pignons, deux étages mansardés, neuf chiens assis, à droite une petite terrasse style penthouse, appartements de luxe, sur des terrasses de jolies jardinières fleuries, les entrées sont en contrebas, une « dermatology clinic » au rez-de-chaussée, rien à signaler, net et propret : les gens qui habitent là savent-ils qu’à l’origine ce bâtiment abritait une clinique appelée Institut médico-chirurgical fondée en 1892 et que l’extension à l’arrière, bâtiment moderniste de 1925 donnant sur une autre rue, conservé intact, du moins extérieurement, transformé lui aussi en logements de luxe, constituait une annexe à ladite clinique ?
1 prononcer « Kauwdeunbèrg »
2 prononcer « Skarbéék
3 prononcer « Skeuïtèn
merci Catherine – j’ai cru en lisant que tu allais aussi insérer le Belval re-scénarisé par François S. au Luxembourg…
Je dois avouer que je ne connaissais pas Belval (merci 🙂 on en apprend tous les jours… je viens d’aller voir et les dessins sont magnifiques ! comme tous ses dessins d’ailleurs…) et que je suis assez focalisée sur son travail à propos de Bruxelles 😉