#40jours #prologue | et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir! Posté le 8 juin 2022 par Géraldine Queyrel La pièce est vaste et plutôt aérée. Les fenêtres, un peu plus grandes que celle d’une maison, évoquent, de l’intérieur, un bâtiment construit ou rénové ou bien simplement adapté pour la collectivité. Il est vrai qu’un petit effort aurait pu être fait sur la décoration. Le mobilier est sobre mais pensé pour être hygiénique. C’est un bon point. Les lits sont fabriqués de bois clair. Tous identiques. Il est évident que l’espace a été aménagé dans un souci constant d’égalité. Personne ne doit être lésé. C’est un bon point. Les couchages, agrémentés de matelas blanc, sont superposés sur trois étages et tous accolées les uns aux autres. On grimpe aux étages supérieurs par une petite échelle de bois visée au pied des trois lits du bout de chaque rangée. On ne risque pas de tomber puisque il n’a pas d’espace entre les lits. C’est très sécuritaire. C’est un bon point. Les enfants pourront y voir un terrain de jeu idéal (des lits à trois étages! Je n’en avait jamais vu avant! On tire à la courte paille pour savoir qui prend la place tout en haut?) ( Imagine un peu les batailles de polochon qu’on va pouvoir faire d’un étage à l’autre !) (Chouette! on dors tous côte à côte, on se racontera des histoires et on fera les fous toute la nuit! Impunité garantie! Maman n’y verra que du feu!)Décidément, les enfants ne sont pas déçus du voyage! Voyez comme ils sont mignons dans leurs petits pyjamas rayés! Leurs yeux sont remplis d’étoiles,D’étoiles de David:Camp d’Auschwitz – Birkenaubaraquement réservé aux femmes et aux enfants A l’ombre des pins centenaires le sous bois sent bon l’humus et la terre. Pas un bruit. Si ce n’est au lointain le chant d’une hulotte. Comme une invitation à pénétrer dans ce sanctuaire. Le temps semble figé.Ici règne l’ordre et la paix. Point de sang, point de cris, point de carnages. La folie du monde s’est brisée bien avant, sur les premiers contreforts de pierres. C’est l’automne. Les chênes caduques ont déroulé un épais tapis de feuilles dorées comme un écrin à la beauté du lieu. Au centre de la clairière, seuls dépassent les chapeaux d’une rangée de champignons. C’est curieux comme ils se tiennent tous alignés sur un petit talus de terre qui serpente tel une cicatrice…On les croirait au garde à vous…Noirs et mortels comme autant de pointes de baïonnettes: Site historique de Douaumont Tranchée des baïonnettes Sur le parvis, une tour majestueuse accroche le ciel. Trois portes sur la façade: une grande, au centre, encadrée de deux plus petites. Derrière les portes, la nef. L’objet est devant le chœur, juste après la traversée du transept. Cela semble être un drap. Dimensions non conventionnelles: trop long pour un lit une place, bien trop étroit pour un lit deux places. Derrière lui, une lourde étoffe de velours pourpre déplie élégamment ses reliefs, renvoie de mille manières la lumière tamisée des vitraux. Autour, tout n’est que matières précieuses et détails délicats. Le drap en lin, bon marché, épais et grossier jure et tranche sur l’ensemble. Il est jauni, rêche; mal dégrossi. Comble du mauvais goût: il est taché à plusieurs endroits. De sang? De crasse? On n’ose imaginer… Qui a bien pu avoir eu l’audace de placer ce torchon en ces lieux sacrés? Cela valait il la peine de l’encadrer, de le protéger sous verre? Personne n’a t’il eu un minimum de jugeote ou d’amour propre pour le passer préalablement à la machine à laver? ( Programme blanc coton/température: 90 degrés/ essorage rapide 900 tours/minutes) avec un soupçon de lessive (Super croix parfum fleurs d’olivier).Bon dieu, ça aurait au moins eu un peu plus d’allure:Cathédrale saint Jean-Baptiste de TurinSaint suaire Puis j'ai pensé au dormeur du val et aussi aux étrennes des orphelins Alors, Je me suis dis qu'Arthur, lui, savait voir...
Tant d’audace toujours ! Merci.
Merci Anne!