Rouge, la douleur qui secoue ma carcasse d’un dernier spasme, contraste avec la sensation presque irréelle que je m’élève au dessus de mon corps, je le quitte, sans regret, a l’instant où mon calvaire touche à sa fin- ou presque – car voila que l’on me blesse encore, et mes viscères se tordent et s’enroulent, s’essorent d’un jet de sang, rouge juste là sur mon flanc droit, où l’homme, flou, presque trop éloigné pour que je le vois nettement, vient d’enfoncer la lame d’une lance, et me jauge, et m’examine, toujours à bonne distance, cherche à savoir si je suis tout à fait mort ou presque encore vivant, comme un peu gêné qu’on lui ai demandé d’accomplir cette tâche ingrate, sous les yeux de la foule, plus lointaine encore, que je ne distingue plus mais que je sais rassemblée tout autour, en une forêt de tête balayée de spasmes hystériques, à chaque étapes de mon chemin de croix, et qui scande à présent mon nom, en un murmure qui saute de lèvres en lèvres, ils font de moi un martyr, dont on écrira l’épitaphe sous mes cornes blanches devenues reliques : ci-gît la victime innocente de la barbarie de l’homme, en grandes lettres de sang au dessus de mon tombeau, ici même dans ce lieu grandiose, sous les lourdes arcades de pierres des arènes de Nîmes.
Les arènes de Nîmes… Mon premier texte pour l’Atelier # 40 jours… C’est incroyable cette coïncidence… Un LIEU assigné pour la mort spectaculaire, mise en scène… On frémit ( que cela ait pu exister). Je pense à la corrida et à la chanson de Francis Cabrel et aux jeux du cirque si prisés de la populace en quête de sensations et d’images. Le cirque des cruautés banales et la fascination…
https://www.youtube.com/watch?v=-Xcv8T4bsKc
https://www.youtube.com/watch?v=zPegmHMu2Mc
Merci Géraldine. J’aime ce texte. Depuis l’enfance, les blessures ou la mort du toréador me réjouissent, sans honte. Comme l’envie de crier vengeance, faute de justice. Merci.
Poignant ce texte. Merci Géraldine!
Bonjour Géraldine,
j’ai pensé à un martyr chrétien, puis au toréador et enfin au taureau, en lisant mes camarades, mais c’est sans réelle importance car ce que je retiens c’est le zoom arrière qui dans le même instant distingue et efface,
bonnne suite,
CatS
Merci Marie-Thérese, Ugo, Michael et Catherine de m’avoir lue!
Catherine j’ai rajouté un petit indice dans le texte pour rendre la chute plus explicite. 😉
Ma réflexion sur ce texte: de quel point de vue nous plaçons nous pour faire ce zoom arrière ? D’un œil extérieur qui recule progressivement? Ou bien du cœur du centre où on élargit progressivement son horizon? Je me suis tentée à la deuxième…
Merci donc encore
Beau et juste placement.
L’âme de la bête sacrifiée quitte son corps en un douloureux zoom arrière.
Merci pour ce beau texte.
Magnifique. J’étais gosse, souvenir gravé des yeux du taureau noyés d’incompréhension au milieu des vivats. Jamais plus les pieds là-dedans. Merci.