#40jours #17 | tenir

Elle surprend, on s’attendait une machine. Où est garée sa voiture ? Elle prend le ticket et la carte de crédit machinalement, l’argent liquide quelquefois. Bonjour, elle tend son bras, un autre bras se soulève et  s’allonge, moment d’air, petit geste de gymnastique en immersion de CO2, on entend un contraste de musiques, ou les nouvelles d’un journal radio, elle rend la carte ou le reste. Puis, il ne reste plus rien, pourtant elle regarde droit dans les yeux lorsqu’elle dit au-revoir. Le prochain péage est loin.

Dans les réunions, dans les entrevues politiques, les conférences, les bilans et les évaluations de projets, elle déclame avec les mots du poète la douleur de sa Ville désormais du côté Nord de la Méditerranée. D’une lignée de combattants kabyles, sa famille a donné la vie pour la liberté de son pays. Son fou-rire explose nerveusement, elle tient ainsi. Quand elle remplie les formulaires de financements pour son association, quand les chiffres se transforment en coups, la force de ses ancêtres tape sur les touches du clavier.  

Rose, jaune clair, vert d’eau, elle s’estompe dans les tonalités pastel de ses gants. Majestueuse reine feutrée, sa présence se faufile entre les étages. L’eau et l’eau de javel s’infiltrent dans sa vie, les portes ouvertes de l’ascenseur la font évaporer, les parfums de détergeant la trahissent, elle essuie et lustre maintenant les marches du premier étage. Diagnostique d’arthrose rheumatica : elle tient avec les infiltrations.

A propos de Anna Proto Pisani

Passionnée par la création et l’écriture, j'ai publié des textes et des articles sur différentes revues et les ouvrages collectifs sur la littérature postcoloniale Les littératures de la Corne de l’Afrique, Karthala, 2016 et Paroles d’écrivains, L’Harmattan, 2014. J'ai créé et fait partie du collectif des traductrices de Princesa, le livre de Fernanda Farìas de Albuquerque et Maurizio Iannelli (Héliotropismes, 2021). Je vis tous les jours sur la frontière entre la langue italienne et la langue française, un espace qui est devenu aussi ma langue d’écriture.

2 commentaires à propos de “#40jours #17 | tenir”

  1. Encore trois très forts portraits.
    L’ensemble va faire un grand et beau livre !
    Merci Anna.