Je ne lui en veux pas pour ma mort. Il n’en est pas responsable. Elle ne tient qu’à moi. J’étais fin soûl. Cela faisait longtemps que l’on attendait l’escale à Saint-Pierre. Plus de six mois qu’on était en mer.Ça creuse la soif, la soif de tout. Si j’avais pissé contre un mur, en pleine rue, je ne serai pas mort comme ça, pas comme ça. Je suis allé au bout de la cale, sur le ponton, pour pisser dans le port. Pourquoi ? Je ne sais pas. Me souviens seulement avoir glissé, avoir tombé, avoir pas pu nager, avoir eu froid. Je lui en veux pas pour ma conne de mort. Je ne lui en veux pas non plus pour la photographie. C’était pas lui le photographe. Et puis sur la photographie, il me manque une main gauche , il me manque une chaussure, il manque ma tête. Qui peut assurer que c’est bien moi le cadavre sur la photographie ? Le gendarme qui fume en contemplant ma dépouille ? Le soit-disant narrateur qui conserve la photographie comme la relique du début d’une énigme ? Personne, je vous le dis. Personne.
Super la reprise des faits divers version dédoublé. La consigne suivie. 😉
Merci, oui la consigne suivie. Une fois n’est pas coutume.
Pas tout suivi, mais très intrigant. Un parfum de fantastique. J’aime bien cette idée qu’un cadavre est encore la personne qu’elle était. Merci
Merci JLuc de ton passage.
c’était donc ça, perdre sa tête en reculant? Perdre sa tête et sa main gauche pour une photographie un soir de beuverie. Et si ce n’était pas lui sur la photographie dans la main du gendarme? Si ce n’était qu’un leurre? Une ruse pour rester caché dans son coin à contempler les lézards. Le gendarme a beaucoup fumé à cause de l’enquête qui stagnait ça l’arrangeait au bout du conte, ça masquait la montagne de cadavres que la mer avait bu… Merci Ugo de nous donner à réfléchir sans tête…
Merci, merci Nathalie Holt de vos regards. Je crois que vous avez raison pour la ruse et les lézards. Quant à la question de « réfléchir sans tête » , il me semble que c’est souvent plus efficace. Ou du moins, moins pesant.