C’était bien la troisième rue à gauche en descendant l’avenue qui vient de la gare. Aucun doute là-dessus et le nom de la rue était celui qu’il a lu en entrant dans celle-ci. La valise à la main, la valise à roulettes un peu en retrait comme si elle le suivait, il regarde vers le haut. Puis, il se retourne et reconnaît la maison d’en face aux volets qui étaient bleus, la couleur a un peu passé, mais c’est bien l’immeuble des C et l’appartement avec le balcon qui fait l’angle. Il ne sait pas ce que sont devenus les C. Ils sont partis ensemble il y a deux ans puis leurs routes se sont séparées par la force des choses. Lorsqu’il est arrivé à la gare, il n’a pas constaté de changement. Il a davantage ressenti ce changement en lui. Il l’a ressenti dans sa poitrine. En arrivant dans sa rue, il avait respiré profondément cependant qu’il était heureux de revenir chez lui. La valise un peu en retrait, la longue poignée dans la main, la tête courbée en arrière, il regarde le quatrième étage de l’immeuble, son immeuble, le numéro sept, parce que placé entre les numéros cinq et neuf. L’immeuble n’est plus là.
Tu entends, j’y suis allé. Je ne me suis pas trompé. Non. Je suis sorti de la gare, j’ai descendu l’avenue, je l’ai assez fait cette avenue qui ne m’intéressait pas d’ailleurs. Elle était bruyante. Il y avait ce fast food qui sentait fort le graillon au coin. Juste après le salon de coiffure, le vieux salon, je crois que le coiffeur s’appelait A. Je ne sais plus à moins que ce ne soit T quelque chose. Quand je voyais les gens sortir de son salon, je me disais que jamais je n’irais là-bas. Tu dois le connaitre ? Tu vois de qui je parle. J’ai su son nom à un moment parce qu’il a disparu. Un matin, son salon était fermé, puis le lendemain. Alors des bruits ont couru qu’il avait été embarqué l’avant-veille. On ne l’a jamais revu. Je ne suis plus sûr du nom de ce type. Je n’y peux rien. J’ai compté les rues. Non, pas tout de suite. Je suis descendu du train et j’y suis allé directement. Ensuite, je suis retourné sur l’avenue, je me suis planté là devant la rue de la fontaine. Je suis remonté un peu plus haut vers la gare et j’ai compté à ce moment-là. La troisième rue à gauche, oui. Il n’y a qu’une seule rue de la fontaine. Il n’y en a pas trente-six. Je suis revenu devant le numéro sept. Plus d’immeuble. Il y avait forcément un numéro sept entre le cinq et le neuf de la rue ? Il n’y avait plus qu’un jardin c’est tout. Je me suis retourné et j’ai reconnu l’immeuble où habitaient les C. L’immeuble qui était et est toujours en face, mais plus en face de notre immeuble. Il y a un jardin maintenant. Et pourquoi tu n’y retournerais pas, toi ?
Débat entre le réel et l’irréel.
Est-ce que l’immeuble a vraiment disparu ?
Merci Romain pour ce texte étrange !