Creuser dans les sillons ouverts par le je est un autre. Un gouffre de possibles qui s’offre souterrainement sous l’identité stable et visible que l’on trimbale dans le monde. On le bâillonne trop souvent, sombre bête tapie dans l’obscurité de soi. Bien sûr on peut se payer une psychanalyse pour forcer un peu la maïeutique et donner naissance avec assistance à cet alter ego en gestation depuis toutes ces années, mais la sortie risque d’être tronquée car demeure le regard d’autrui. Laisser cette plaie béante bien ouverte, cette fracture de soi, ce double trop longtemps dépositaire des non-dits. Qu’entendrait-on alors ? Les cris de colère qu’on tait trop souvent, les non qu’on n’ose dire par peur de blesser, les coups de poings qu’on ne met pas par respect des convenances et les désirs qui font rougir. Non pas que ce double soit méchant, au contraire, dans son imperturbable docilité il accueille toutes les émotions les plus vives, pour les faire taire, un peu comme ces chatons que le paysan d’à côté noie dans la bassine, parce que cette fichu chatte a encore fait trop de petits. Un réceptacle dont on ferait sauter le couvercle, sacrée boite de Pandore qu’il faudrait qu’elle fasse péter un de ces quatre. En attendant, elle range la boite délicatement dans les étagères de son je, avec l’étiquette :autre.
L’autre de son je… le double dont on sait tout, qui en même temps fait taire. La boîte. En sortir des bouts, des fragments si nécessaire. Ce serait trop facile !
Merci Marie-Caroline !
Merci Fil !oui ce serait trop facile!
« sacrée boite de Pandore qu’il faudrait qu’elle fasse péter un de ces quatre. En attendant, elle range la boite délicatement dans les étagères de son je, avec l’étiquette :autre. »
Tout est clair dans cette dernière formulation. « Une autre que moi » est un livre (les livres s’oublient vite) qui a été écrit par Sabine Bourgois en inspirée par Françoise Lefèvre que je lis depuis longtemps, elles se sont rencontrées. Il y aurait peut-être des choses intéressantes pour vous. Sauf si vous connaissez déjà.
Oh non je connais pas je suis donc ravie de ces nouvelles références! MERCI
Comme il est salutaire de ranger les je ailleurs quelquefois. Merci 🙂
Merci ! Oui les ranger ailleurs..le tout est d’avoir quelques étagères 😉
Merci pour la violence qui arrive d’un coup dans un texte apparemment calme et réfléchi , au détour d’une phrase qui a l’air de rien mais qui cloue sur place: » pour les faire taire, un peu comme ces chatons que le paysan d’à côté noie dans la bassine » – une manière de lier la forme et le propos?