Je rencontre Christian en promenant mon chien. Il va couper les chardons dans son potager abandonné, confié à Victor qui n’a pas le temps de s’en occuper et surveiller les deux génisses qu’il a mises dans son pré pour couper l’herbe et grandir. Mon chien adore les génisses de Christian et fait toujours une pause pour les observer. Christian est arrivé en 1967 à Lissieu. La transformation il l’a vue en action, maison après maison. Je sais des choses, il en sait plus que moi. Du vécu. Lui aussi possède des terres à Lissieu. 8 hectares près de La Roue, les prés aux génisses et les terres qu’il loue à Victor. Et puis La Guerre, le hameau que sa famille habite depuis 1896. Un marchand de vins lyonnais venu de Saint-Marcellin en Isère qui s’était établi à Lissieu avec femme et enfants après avoir vécu et épousé (une payse) à Lyon. À cheval, à l’époque, c’était rien, une demi-heure. Il a travaillé dans les vergers de Franceschini le corse venu de Calvi dont les héritiers vendent peu à peu les parcelles.Il faut qu’il me raconte. Il a vu l’autoroute se construire. Il faut qu’il me raconte. Ce Victor aussi un revenu à la terre, un néorural pas alternatif. Il faut qu’il me raconte. Je fantasme Lissieu à travers les archives et ma grille politico-sociologique de l’évolution des campagnes, lui il a vécu toutes ces années ici même, s’est battu avec le maire pour conserver un chemin privé acte notarié à l’appui, a vu les gens vivre et mourir. Sa mère était une Poussière, Odette Poussière, ça le fait rire de rappeler que Poussière est retournée à la poussière. Il y avait des athées dans sa famille, des francs-maçons. Plein de choses le font rire comme de me faire croire qu’il a un chien énorme avant de lâcher son épagneul grisonnant et pas méchant du tout. Il a mon âge, il faut qu’il me raconte cette commune comme une poire coupée en deux qui m’a caché plus de mystère qu’elle ne m’en a livré. Il s’intéresse au passé lui aussi et a fait des recherches sur sa famille et la vieille ferme habitée depuis cinq générations. La réalité a mille faces, ce n’est pas la fiction que je cherche, mais à faire coïncider deux faces au moins. Christian, sois mon double. Prends le relai de mes archives, partage ton regard de paysan avec mon regard de citadine reconvertie. Faisons équipe. J’ai fait un mot à Christian ce matin avec son arbre généalogique bien mis au propre sur ordinateur. Je l’ai glissé dans les barreaux de son portail, car je doute qu’il ouvre souvent sa boite aux lettres qui est encore au nom d’un père ou d’un beau-père. J’attends sa réponse.
je croise les doigts, ce serait une chouette association, promesse d’un passionnant travail partagé
Il n’est pas contre mais ne semble pas pressé.
Ce texte demande à se prolonger pour en savoir toujours plus. Merci
merci de me lire. Il va me raconter, mais pour le moment ces enfants qui vivent tous les deux au US sont en vacances avec leurs enfants. Il en profite. Lissieu hub international.
« Il faut qu’il me raconte. Il a vu l’autoroute se construire, »
oh j’aimerais que tu nous racontes aussi !