#40jours #double | Elle s’approcha et dit qu’elle était lui

Elle est dans cette chambre, elle ou lui qu’importe. Dans cette chambre elle ne dort pas, ni lui. Il avait trouvé un crâne dans la rue, elle ou lui qu’importe, et personne ne l’avait cru. Je sais que c’est fini. Le jour s’attarde encore un peu. À une centaine de mètres, devant moi, derrière cette fenêtre est-ce encore le jour qui luit ? Elle ou lui regarde l’herbe et dans l’herbe chaque brin — mais non tu ne peux pas chacun— et les brins volent comme des cheveux qu’on a coupés. En me penchant je vois l’amoncellement des choses sur le trottoir, même un piano, des jouets, une robe. Ils venaient le plus souvent la nuit. Ils les prenaient dans leur sommeil; ils ne faisaient aucun bruit . Ils les arrêtaient. On les arrêtait pour les expulser plus facilement. Parfois ils les tuaient, sans bruit. J’enjambe le balcon, j’entre chez eux. Je ramasse le manteau qu’ils ont jeté par terre, avec son nom cousu dans la doublure. Je ramasse les lettre de son son nom dans la poussière, elle ou lui qu’importe. Je descends. Dans la rue je rejoins la file derrière le camion et je dis que je suis lui. Elle ou lui. Qu’importe. Je suis toi. À présent j’écris dans ton visage. Son visage comme une plaie jamais refermée. Tu ne peux pas me voir parce que je suis dans cette chambre et que tu es déjà trop loin. J’écris dans ton visage. Parfois je cri.  Des listes des listes de noms sans visage? De visages sans nom. Celui-là, la joue et l’œil soufflés par un obus, les cheveux brûlés d’un seul côté. Et l’autre, assis dans la terre. Regard droit. Comme il semble calme, il n’a plus de mains juste deux moignons noirs. Je ne vois que la peau et les os dans le sourire. Sous les bandages se devine l’absence des nez, les mâchoires dévastées, les trépanations, les blessures. Entre le mur du champ et le mur de la chambre il y a un chien. Un chien qui n’appartient à personne. Il braille puis il se terre. Pourquoi as-tu pris la place du mort ou celle du chien. Elle ou lui, qu’importe. Je t’ennuie avec mes questions? Tu n’en peux plus? Tu veux seulement que je me taise? Je peux te poser des questions simples avec juste des cases à cocher? Tu veux noter la couleur du ciel? Tu préfères peindre une pomme? Et voyager ça te dirait? l’Amérique ou bien le Congo? Tu t’en moques? Tu ne dis plus rien? Tu veux qu’on arrête? Non ? Tu n’as rien retrouvé, pas de papiers, que des os dans une fosse? Réponds moi rien qu’une fois, même si rien, même si froid. Tu ne veux pas te souvenir si tout cela est aussi vrai que la mort quand elle entre dans la chambre ?

A propos de Nathalie Holt

voilà ! ou pas

6 commentaires à propos de “#40jours #double | Elle s’approcha et dit qu’elle était lui”

  1. « Je dis que je suis lui. Elle ou lui. Je suis toi. »
    Merci Nathalie Holt. Vos exigences, vos reprises, vos retours sur vos propres écritures en gardent les pépites et livrent, délivrent, comme toujours, d’universelles émotions. Merci Nathalie Holt.

  2. Tellement beau. Toujours un rythme et quelques mots qui se répète comme musique d’accompagnement. C’est fort, c’est images, ça pulse, ça glace, ça triste. Merci, Nathalie.