Il me semble bien qu’un point d’usure est atteint. Que cette rue a été suffisamment arpentée. Du bas jusqu’à ce presque haut que tes pas ne parviennent pas à fouler. Que les souvenirs du numéro 1 au 21 se sont écrits. Cela suffit, non ? Qu’il faudrait pousser l’avancée jusqu’au numéro 40. D’ordinaire, tu aimes bien les sous-bois et les zones sombres des forêts. Tu sais qu’il y a toujours quelque chose à ramener de là. Tu ne penses pas qu’il est temps ? Onze ans quand même que tu bifurques avant de passer le porche ! Onze années de demi-tours à l’approche du numéro 40. Juste avant le grand jardin à traverser. Tu les connais pourtant les statues vers qui on lève un dernier regard avant de s’engouffrer. L’effroi du songe n’est-il pas plus grand que la réalité ? Tu connais les yeux de lynx des chats errants. Qu’y-a-t-il de pire ? Allez, passe la barrière du parking et avance. Regarde une fois encore Apollon créant Asclépios. Il le tient dans sa main. À tout moment il peut l’écraser, le réduire en miettes. Anéantir ses jours. Il est si petit cet Esculape dans la main du Dieu. Asclépios ou Esculape chez les Romains, fils d’Apollon et de Coronis dans la mythologie grecque fut initié à la médecine par le centaure Chiron. Il excella tant dans son art qu’il parvint même à ressusciter des morts. Hadès, dieu des morts prit peur. Enfin bref, Zeus le foudroya. Ce n’est qu’une légende, tu en es consciente, n’est-ce pas ? Et ce n’est qu’une statue, une représentation ! Non et non tu n’es pas le jouet dans la main d’Apollon. Le père n’est pas le Tout Puissant qu’on a dit. Tu as sauté de sa main il y a longtemps. Alors entre dans le jardin et promène-toi sans crainte. Tiens-toi à distance de la statue. Absorbe ta propre force et raconte ce qu’il y a à dire encore. Tu as toujours des pierres dans tes poches ? Poses-en une à chaque chose dite. Prends une grande inspiration dans l’aube d’un matin d’été et laisse les mots dégorger. Laisse le cri rugir dans l’épaisseur du jardin. Libère les angles morts. Déride les sillons de ton visage. Entre dans le jardin.
Nom de Zeus de nom de Zeus !
« Non et non tu n’es pas le jouet dans la main d’Apollon. Le père n’est pas le Tout Puissant qu’on a dit. Tu as sauté de sa main il y a longtemps. Alors entre dans le jardin et promène-toi sans crainte. Tiens-toi à distance de la statue. Absorbe ta propre force et raconte ce qu’il y a à dire encore. »
Ben voilà ! Merci Solange pour cette belle et mythique happy end.
Très beau texte où mythologie et famille s’entremêlent !
Merci Solange !
Merci beaucoup à vous deux pour votre lecture. Ce texte est plein de doutes pour moi, mais la question du double ne pouvait se régler autrement!