Les cartes routières dessinent notre géographie intime. Le berceau de l’enfance s’inscrit dans un cercle dont le diamètre mesure cent pas. Quelques collines en forme de chevrons l’encerclent. L’accident borne la vue et empêche d’abord d’aller plus loin. Le lieu des commencements est sans débouchés. Les points cardinaux tracent ensuite des lignes de cheminement. Celle du nord ne se dessine pas encore clairement : c’est l’expérience de la grande ville, de la modernité, remise à plus tard, pour une seconde existence. La ligne vers l’ouest reste chargée de mystères : au bout se trouve l’océan. Peut-être qu’en se laissant porter par le courant de la rivière sur un radeau, on pourrait l’atteindre. Le sud est le lieu de l’éblouissement, le matin des origines. Il est nimbé de lumière, pomponné de vergers. On s’engage à l’est par Malemort. La Corrèze tumultueuse déferle le long des falaises escarpées comme un Béhémot. C’est la route empruntée avec le père en voiture, la route de la mélancolie. Une carte prend forme autour d’une ville, Brive, en attente d’une légende.