Ce soir, tu sais que quand tu reviendras, dans longtemps, tout sera presque exactement comme maintenant. Juste l’odeur de la naphtaline qui aura eu le temps de tout imprégner. Il faudra alors chasser l’air vicié par la longue obscurité, aérer en grand, un peu comme si tu apportais l’air frais, vif, neuf d’où tu reviendras. Tu sais aussi que tu auras alors un peu l’impression d’entrer dans un tombeau. Le tombeau du toi d’avant ton départ. Ils disent qu’on revient toujours un peu différent. Ici, tu le sais, dans le noir, rien n’aura bougé, changé. Si, sans doute, une très fine couche de poussière blanc/gris se sera déposée sur le bois des meubles. Poussière parenthèse, seule trace de ton absence. Cette poussière de ta ville, il parait que ça conserve. D’habitude tu ne la vois pas, mais elle est là, à s’insinuer partout. Tu l’inhales, la ville en toi. Ce soir, tu sais que, à partir de demain, quand tu seras là-bas, surtout si c’est un là-bas que tu connais mal, tu reviendras souvent ici en pensée, comme nostalgique de tout ce que tu laisses de ta vie, de ta ville. Alors tu repasses au crible le futur de ce souvenir, tu apportes de nouveaux éléments, par petites touches, tu peaufines les détails de ta nostalgie. Bagage mémoire. Ne rien oublier. Et puis, tu n’es pas tant parti que ça. Dans les voyages, c’est toujours le retour que tu préfères. Retrouver les plis de ton quotidien, du quotidien de ta ville, comme enfiler à nouveau la peau de ta vie qui t’attendait là, dans ton tombeau. Mais pas un nouveau départ non plus. Juste la reprise de ton rythme dans le flux de ta ville. Tu te le projettes déjà ce retour de là-bas. Peut-être que là-bas aussi tu auras eu le temps de trouver un rythme et il sera différent. En tout cas, tu feras en sorte de. Peut-être que là-bas tu laisseras un peu de toi. Peut-être qu’aussi, de là-bas tu reviendras avec des souvenirs, des souvenirs de moments particuliers, de rencontres. Ils enrichiront ton ici. Tu te demandes parfois si un jour, un là-bas ne pourrait pas devenir ton nouvel ici. Tu sais aussi que parfois on part, mais on ne revient pas.
Je lis cette histoire comme celle d’un jeune homme qui part. Je n’arrive pas à voir un personnage de plus de trente ans.
Merci quoi qu’il en soit pour ce beau récit !
Tout très très beau. Poussière de ta ville. Quelle idée géniale, belle exploitation. Merci, Jérôme. Et ta #40, merci aussi. Tant de perfection dans le texte en si peu de temps… Bravo