Le château dans lequel a vécu Montaigne dans le Périgord a été reconstruit au XIXe siècle. C’est un lieu privé, un espace domestique qui présente donc peu d’intérêt si l’on s’intéresse au philosophe. Montaigne a passé la plus grande partie de son temps à quelques mètres du château dans la tour ronde qui lui servait de refuge pour « méditer et connaître ». Un guide offre la possibilité de monter les étages de cette tour aux visiteurs qui n’auront aucune curiosité d’ordre esthétique ou historique. C’est un tout autre sens que doit prendre cette exploration. L’espace est quasiment vide, une table et une chaise pour le folklore, pas de décoration particulière. L’intérêt de cette pièce est dans sa banalité même, l’absence de toute originalité. Pour établir la pensée qui mène à la connaissance de soi, pour examiner la place du facteur subjectif, Montaigne s’installe dans le lieu le plus indifférent qui soit. La réflexion qu’il poursuit n’a besoin que de solitude, d’une absence parfaite de distraction. Quelques années plus tard, Descartes s’exile en Allemagne puis en Hollande pour profiter de la retraite studieuse qui lui permet de fixer par écrit la seule de ses certitudes. Chez Montaigne, seules les poutres du plafond portent les traces du cheminement constant de son érudition. Les cinquante sept sentences grecques et latines font lever la tête au voyageur qui n’est pas dans la plus confortable des postures pour les traduire et les méditer. Il sort convaincu que l’esprit abandonné à l’étude résiste à l’empreinte du lieu. Il peut désormais partir en quête de l’espace le plus confiné pour libérer et fixer sa pensée. Quand on posait à Montaigne la question de ses origines, il répondait : « Je suis du monde ». Aucun lieu ne lui donnait son identité, il refusait toute étiquette géographique. Le pèlerinage vers sa chambre d’étude nous ramène à la nécessité d’explorer l’espace intérieur, de ne trouver aucun autre ancrage que celui qui conduit en soi-même.
Merci d’avoir permis de découvrir Montaigne dans son antre.
Beau. Merci