© C.E. Encre: F.Herth
C’est juste au lointain le bruissement qui délimite les vagues, les grandes lignes d’écriture. C’est le pinceau ou la plume encre de Chine sur la feuille – et le bruissement ténu rappelle la mer. Celle du recommencement. Il y était venu une première fois. Puis nous deux. Et l’arpentage, longtemps : il marchait, se penchait, s’arrêtait, repartait, ramassait parfois une pierre noire traversée d’un filament blanc, regardait encore, jusqu’au vertige. Des séquences rocheuses enchâssées dans le sable, sans qu’on en connaisse l’enracinement, la profondeur. Vaste champ, parfois à fleur d’eau mais au moment du dévoilement, des rangées serrées, un peu penchées, des cadences minérales, serrées comme si un sculpteur repartait toujours de là pour créer des alignements, une figure sérielle du grand large. Sur la gauche, un chaos, toutes sortes de noyaux géants dégagés de leurs gangues et donnant à voir équilibres et déséquilibres stabilisés. Autant de blocs érigés, de refuges massifs résistant aux effondrements, une vision à escalader avec parfois d’étranges trouvailles – hache cristalline érodée, fleur de lys gravée dans le chaos comme indiquant la présence d’un trésor mais où déjà était-il le symbole, impossible de le retrouver. Et les enfants de jouer pendant que lui restait immobile près des pierres, observant, notant, cherchant à entrer dans le dur comme les tailleurs qui faisaient leurs les pierriers pour dégager de quoi construire dans les parages. Au-dessus, un sentier répercute le chant du chaos originel, ; il est gardé par une roche géante, tournée vers la mer, statue de l’île de Pâques. Personne ne pourra abîmer l’endroit disait-il. Résistance métamorphique. Plus loin, le long de la même côte, l’ilot gardien du chaos nous aimante aussi. Quand la mer se retire, il renait et comme sur la mauvaise grève, le peintre le laisse faire en lui, le temps qu’apparaisse le mouvement initial, la rotation des mondes. Les cercles les courants se reforment à marée montante et l’écume souligne la circularité. Galaxie des origines. En rentrant – et aussi sur place, à l’endroit même du phénomène – il faisait de la halte hypnotique une encre, une aquarelle, cela qu’on nomme paysage et qui est émanation du dedans. La maison de pierre, encastrée entre les blocs, invisible à force de faire corps, permettait de surveiller le large et de tenir avec juste le trou d’une cheminée. Il disait que l’unique pièce aurait fait un bel atelier, un peu sombre mais traversé de lueurs folles les jours de tempête. Alors c’est là que repartir. Demain. Non loin de l’endroit où il repose.
Magnifiques raison à un pèlerinage !
Ton texte est très beau et s’en dégage une puissante poésie.
Merci beaucoup Christine !
« un chaos, toutes sortes de noyaux géants dégagés de leurs gangues et donnant à voir équilibres et déséquilibres stabilisés. Autant de blocs érigés, de refuges massifs résistant aux effondrements, une vision à escalader avec parfois d’étranges trouvailles »
Le souvenir de l’homme qui se penchait sur les vagues ou les cailloux comme pour les rapprocher… Quelle émotion à la lecture de votre texte de deuil et de pélerinage si doux. Votre écriture est de nacre. Merci !