Lorsque le désir intense de retourner à un endroit — qui ne subsistait que dans la mémoire, se faisait sentir avec force, jusqu’à poser un pas devant l’autre, dans l’immédiateté du désir de voir, avec une certaine appréhension mêlée, toujours de curiosité — le lieu allait disparaitre ou être transformé. Un appel intérieur. Dans les collines des hauts d’Aix-en-Provence, au bord de l’Arc, du thym et du romarin. Aussi, des éclairs de conscience incroyables pour qui cherchait à comprendre le monde et l’apprivoiser. Ce lieu hautement philosophique et expérimental, où les abeilles ne pouvaient être ressuscitées, était dans les jours qui suivirent devenu une propriété privée. Le reste de la ferme fut restaurée et réaménagée en logements. Le tout fermé par une grille automatique puissante. La mémoire enclose à jamais, le poids de la nostalgie en moins ? De la mémoire pure, délestée de tout désir de la perpétuer. Ne plus risquer de l’abîmer voire de la détruire par remplacement ou par ajout. La mémoire n’est pas un acte de propriété. Il ne peut être malheureux de voir un mur se construire autour d’un lieu physique, car la mémoire emmenée avec soi s’en est échappée — elle n’a plus de lieu juste un véhicule. Il est heureux de vivre l’expérience d’accompagner la mémoire loin de ce qui la retenait dans le tangible.