L’enfant – ce n’est plus un enfant depuis longtemps mais ici oui – l’enfant est allé au ruisseau, un presque rien d’eau qui file droit entre champs de maïs et champs d’orge, une haie, un arbrisseau rabougri mais tenace, le souvenir des bouteilles de limonade qu’on emballait de papier journal et ce parfum d’herbe et de terre, l’enfant – retombé en enfance, relevé en enfance, faudrait-il dire – les pieds nus dans le ruisseau, cette fraicheur quand il fait si chaud, quand on a suivi la botteleuse avec le gros râteau, les pieds qui ont froid et la tête qui transpire, l’enfant – seuls les enfants trempent les pieds dans l’eau – suit du regard ce ruisseau qui file droit puis qui se perd sous terre, il faut éviter les orties et les chardons, il ne faut pas bouger sinon l’eau se trouble, puis on rapproche les mains l’une de l’autre jusqu’à ce qu’elles se touchent et forment une sorte de bol, on se penche vers l’eau, on la cueille, et on boit. Ce n’est pas une eau ordinaire, ce n’est pas non plus l’eau sacrée des bénitiers, c’est l’eau du ruisseau, incomparables aux autres eaux. L’homme – car il faut bien grandir un jour – a sorti les pieds du ruisseau, il les a essuyés, et il s’en va. Il a enfin compris pourquoi il a toujours cette chanson dans la tête, on trouve l’or au fond des ruisseaux, il a enfin compris que l’Amérique, c’est ici.
Très beau texte, Vincent, comme toujours.
Celui-ci me rappelle un petit ruisseau à moi datant de mon enfance où je suis allé plusieurs fois en pèlerinage.
Un très grand merci à toi pour avoir ravivé ce souvenir !
Boire dans les ruisseaux… et trouver l’Amérique, oui ! Et aussi cette bouteille de limonade dans du papier, n’était-il pas mouillé pour faire du frais, bref un instant d’enfance en pleine conscience,
Oui, quel beau souvenir et quel beau texte !