A chercher la météorite, tu perds de vue les étoiles, le chemin de blancs cailloux. Recule, contemple la constellation aux torches trempées d’or pur. Tu n’avais qu’à tendre la main pour atteindre le joyau de ta couronne.
Tu n’avais qu’à tendre la main, la laisser en évidence jusqu’à l’extrêmité du temps . La lourdeur de nos corps se désagrège, deviennent comètes traversant le ciel de géométrie devenue science inexacte.
PATRICIA SUESCUM L’Équation des somnambules
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Marco est-il à la croisée des Destins ? Il n’y croit pas lui -même. Il lui manque encore des clés. Il lui manque la clairvoyance. Il lui manque d’avoir laissé s’écrouler tout appui. Il lui manque d’avoir éliminé les fausses pistes, il lui manque d’avoir pérégriné seul et sans attaches, il lui manque la spiritualité des saint.e.s, ces ange.elle. s incarné.e.s et aussi mortel.le.s que les autres… Il a pensé à Compostelle bien sûr, mais ce ne serait pour lui qu’un support imaginaire et transitoire pour une quête plus archaïque, plus animale peut-être ? Il lui manque une religion qui aurait laissé son empreinte et rassuré, il lui manque de ne pas parler toutes les langues de Babel, il lui manque d’avoir accepté de venir au monde sans garantie pour sa survie finale, il lui manque d’avoir à naître une seconde fois pour ne pas rater le passage à la lumière, il lui manque de savoir trier définitivement ses meilleurs modèles identificatoires, il lui manque d’avoir travaillé pour quelque chose de viable et d’épanouissant, il lui manque d’inventer des paroles qui ne soient pas déjà prises ou usées jusqu’à la corde, il lui manque certains êtres auquels il aurait voulu poser les questions centrales, il lui manque de joindre les gestes à la parole et d’avancer. Il lui manque ses animaux en troupeau , qui ne soient plus les siens pour moins souffrir. Il lui manque de s’éloigner du Styx et de ses encens vénéneux.
Comme il se sait ne pas être le seul, il se sent fraternel.
Son pèlerinage sera simple. Il ira revoir et écouter les personnes qui comptent le plus pour lui. Il leur parlera le cœur sur la main. Il a déjà parlé aux morts, il ira à la rencontre des autres vivant.e.s qui prolongeront à ses côtés son périple humain. Il n’en a pas le désir, il en a le besoin. La spiritualité viendra derrière , ou pas. Il ne sait pas. Il ne veut pas savoir. Il veut marcher seul entre deux rencontres.
En attendant il lit et se demande à quoi sert la littérature sinon à larquer les amarres. C’est un lieu commun que de le rappeler.
Marco en a parlé hier au soir avec Mathilde, ils ont parcouru à deux, toutes les étapes de sa vie d’enfant, d’adolescent et de jeune homme mûrissant. Elle avait sa propre vision des choses, mais elle n’insistait pas pour le laisser parler et qu’il puise jusqu’au fond de ses réserves de mémoire. Leurs souvenirs s’emboîtaient comme des pièces de puzzles. Versus Marco, son analyse des événements était de loin le plus intéressant à entendre. Les morceaux qu’il prélevait leur étaient familiers, mais elle attendait toujours la surprise, ce qu’elle ne connaissait pas et qui allait peut-être la chambouler, lui faire quitter comme on dit aujourd’hui « sa zone de confort ». Marco l’avait vu vaciller lorsqu’il parla d’un vrai congé sabbatique et de Compostelle. Elle a contenu son frisson et l’a assuré de son soutien moral, même à distance. L’aspect matériel ne préoccupe pas Marco. Il est persuadé qu’il peut s’en sortir avec ses astuces habituelles. Il ne veut plus rien posséder. Il veut partir une main dans une poche et l’autre serrant un bâton. Il voudrait reprendre un jeune chien pour ne pas avoir à parler uniquement aux pâquerettes ou à la lune. Il ne veut plus vouloir quoique ce soit en dehors de sa vie mentale révisée de fond en comble. Il a rencontré suffisamment de croyances pour faire la part du réel et de l’imaginaire. Il est sans foi et ne se laissera pas prendre aux rets du communautarisme. Il dit qu’il est assez fort pour cela. Il a trouvé des forces dans des rites chamaniques qui l’ont déjà mené plus loin qu’il n’avait prévu. De cela, il ne veut pas parler. Il a touché le feu, l’eau et la terre comme ces indiens chanteurs et danseurs et leurs femmes éclairantes. Quelque chose dans l’ordre de la régression et de la désillusion a eu lieu. Mais il n’en parle pas. C’était un premier palier pour autre chose. Quelque chose de nouveau, avait-il dit avant de se taire.
Mathilde a resservi une dernière tisane et a murmuré : Au fond Marco, tu n’as pas fini ton rêve…
Marco a répondu : Oui, Mathilde, je n’ai pas fini mon rêve, mais j’assume, encore pour cette fois. Ne t’inquiète pas.
cette nuance entre désir et besoin… et puis aller à la rencontre des hommes et des animaux
mais vont ils y aller sur le chemin, sans plus rien posséder ?
Je ne sais pas Françoise, il n’y a que le personnage Marco qui est dans cette dynamique dont on sent qu’elle a des racines et aussi des ailes (du désir).Ce qui est fantastique pour moi c’est l’irruption de Marco dans mon écriture d’Atelier. Mais je ne sais pas ce que je vais en faire après. On se perd beaucoup de vue dans les livres, comme dans la vie, les liens sont labiles et fragiles, alors… J’attends , là où je suis, je bois aussi de la Tisane, mais les indiens ne sont pas très loin. Je n’aurai peut-être pas le temps ni la possibilité de les faire venir dans cette histoire, car c’est une autre histoire, il y a tant d’histoires… Merci de ton passage.