Cela pousse derrière la tête. Il y a trop longtemps déjà. Besoin, nécessité, exigence intérieure. Quitter la ville. Prendre de la hauteur. Nul besoin de hautes montagnes. Juste ce mont. Celui d’où se découvre l’origine des plus anciens que moi. Après trois heures de route, garer la voiture sur le parking du col Finiels à 1541 mètres. Déjà savoir que c’est bien là qu’il faut être. Le vent qui remet les idées en place alors que l’on chausse les chaussures adéquates. Le petit sentier que l’on connaît bien qui démarre juste après le pont de pierres au flanc du mont. L’herbe rase, la bruyère, les pierres qui roulent sous les pieds. La montée lente, toujours mutique, même si accompagnée. L’air qui caresse ou fouette selon la saison. Les pensées déjà plus amples, plus intérieures qui vont se concentrer sur l’essentiel. Les émois resserrés. En quelques pas, les fils insensés, qui retiennent les pensées dans leurs rets, lâchent. L’esprit se défripe au fur et à mesure de l’ascension, pas très difficile mais suffisante pour nécessiter un effort. Le cœur bat plus vite. On se déleste de l’inutile. Du futile ou de l’absurde qui régit nos vies quotidiennes. Les yeux posés sur cette pelouse caressant la roche granitique à la recherche de quelque pulsatille, gentiane bleue ou airelle rouge selon l’époque de l’année. Le passage de moutons d’estive est évident. On sait aussi une tourbière un peu plus en aval, mais ce n’est pas là que les pas se dirigent. Ils grimpent encore plus haut. Il faut atteindre les presque 1700 mètres pour se situer au sommet et contempler alors le paysage à 360 degrés, balayé par le vent. On sait un petit abri de gros rochers un peu sur la droite où l’on se calfeutre. Le vacarme des pensées a fait place neuve. Ce dehors-là semblable à un azurage. On sentirait presque des écailles se détacher du corps Le moi le plus intime est là. Le regard, tourné vers le nord, sait distinguer ou plutôt situer le village d’où vient une partie de moi. Nul besoin d’église ou de chapelle pour sanctifier ce lieu. Tous ceux qui me sont chers et qui ne sont plus sont bien présents. Je les retrouve avec toute leur dignité de vivants. Défiant les lois de l’éternité. Je reste là. À aiguiser mon moi. Une pierre cueillie entre les doigts. Un viatique. Des mots bientôt. Et ce grand silence recouvrant les épaules. Quelque chose du mont Lozère a été confié.
Chaque pèlerinage est une marche.
Merci Solange de nous le rappeler !