Cette grange, se dit l’homme, c’est un cimetière, un cimetière sans morts, un cimetière dont les morts sont ailleurs, mais un cimetière quand même. L’homme est debout devant la fleur. Il lit – il n’y a rien d’écrit sur le mur mais l’homme lit – ci-git lui, ci-git l’homme qui aima la terre, ci-git la terre elle-même, ci-git le paysan, car il fut un temps où les hommes étaient paysans, il fut un temps où les hommes se tuaient à la tâche de la terre, il fut un temps de durs labeurs, ce fut le temps où l’on scrutait le ciel désormais vide, ce fut son temps à lui, un temps où dessiner une rose, c’était copier la nature. L’homme est debout devant le perroquet. Il lit – il invente – ci-git elle, elle envolée, elle percluse de travail, ci-git l’épouse, la femme au service d’eux, ci-git la mère, ci-git tout ce qu’elle fut, le désir, le calcul, la fatigue, ci-git la caresse et l’homme pleure, il a un mot qui lui remonte, un mot qui reste au seuil de la bouche, ci-git elle et le rire. L’homme a ouvert le cahier. Il lit – entre les lignes – ci-git l’enfant, il relit – ce n’est pas ça – ci-git l’enfance – il referme le cahier. L’homme est assis. Il ne lit rien. Il regarde cette ouverture dans le mur. Ci-git Dahlia, vache noire aux yeux langoureux, la préférée du patron, et avec elle ses sœurs, mortes d’avoir trop donné de lait. L’homme est assis. Il lit : F. Ce n’est pas une épitaphe. F. ne saurait mourir. F., c’est la vie. L’homme a pris le papier et il le tourne au-dessus de sa tête.
Superbe et si doux autour la mort. Merci
Merci Vincent pour cette ambiance onirique qu’on trouve ici, encore plus que dans tes autres textes.
Encore un grand merci !
« L’homme a ouvert le cahier. Il lit – entre les lignes – ci-git l’enfant, il relit – ce n’est pas ça – ci-git l’enfance – il referme le cahier. L’homme est assis. Il ne lit rien. Il regarde cette ouverture dans le mur. »
J’aime beaucoup ce texte Vincent. Merci !