Parce qu’elle est sans cesse en mouvement, que sans cesse on se questionne sur elle, qu’on veut la modeler, la façonner, au gré des humeurs et des tendances, financières ou non. Les strates se multiplient, s’accumulent, on peut les observer parfois à travers des vitres sur tel ou tel de ses squares, le passé est là, tangible, la ville comme un mille-feuilles sous les pieds, passé que parfois on peut fouler en descendant les quelques marches d’un musée, ébahis que l’on est à chaque fois de réaliser que le temps superpose les couches, les imbrique les unes dans les autres, on peut marcher sur les pavés d’une rue du XIXe et entendre le grondement du métro qui passe de l’autre côté du mur. On fait du neuf avec de l’ancien, on démolit l’intérieur et on le rebâtit, on rénove, transforme et réaffecte un ancien site industriel en complexe qui réunit entreprises, logements, centre commercial, restaurants, lieux d’événements culturels, une ville dans la ville. Parce qu’on veut réhabiliter et valoriser certains quartiers, parce que la ville jadis a eu un port, on lui crée un quartier trendy, style dockland, le Canal Wharf, logements de luxe près d’un parc qui accueille des réfugiés, ainsi va la ville et ses paradoxes, pas loin de là, dans le centre, on ajoute des bureaux, encore et toujours des bureaux, le balai des grues se renouvelle continuellement dans le paysage de la ville, toujours elles découpent l’horizon, présentes comme des vigiles, leur reflet dans les vitres des immeubles qu’elles contribuent à ériger, ainsi va la ville parce que sans cesse elle se renouvelle, que sans cesse on pose de nouvelles strates, on enlève ici, on ajoute là et les grues, parties intégrantes du processus, nous rassurent quant à la vivacité de l’urbain qui nous abrite.