Notre ville, il en a fait sa capitale. Il la veut à son image, à son idée, à l’idée qu’il se fait de son pouvoir, de sa puissance. Il réalise son programme : enrayer la crise, mettre tout le monde au travail, grands travaux pour notre ville. Plus de ces rues torves, bancales et sales mais des avenues larges, droites, nettes, propres aux façades alignées, lisses. Détruire aussi les vieux quartiers insalubres, reloger mieux le peuple qui travaille dur. Le reloger en périphérie, là où s’installeront les usines des affairistes étrangers. Ces affairistes et ces touristes, ils arriveront par le nouvel aéroport international, que lui, il veut un des plus grand du monde. Pour eux encore, mais pour nous aussi, créer au centre de notre une ville, une vaste zone commerciale. Et pour leur montrer à eux et au monde, construire aussi un nouveau musée, un nouveau musée pour raconter l’histoire de notre peuple puissant dont il est lui, l’incarnation et le point ultime. Des statues de lui dans notre ville, sa capitale, notre ville, il a pas encore osé. On se contente des portraits de lui dans les médias de ses proches, dans les lieux officiels : de trois quarts en costume clair rayé sur fond bleu marine, tête haute et regard droit tourné vers l’avenir, mâchoires serrée/sévères. Le peuple des travailleurs de notre ville a bien été envoyé en banlieue, dans les nouveaux immeubles perdus loin sur les anciennes décharges. Par contre, les usines étrangères, elles tardent à venir. L’aéroport et la zone commerciale, toujours en travaux. Il faut dire que les affairistes et les touristes se font rares. Pas téméraires. C’est que bien vite, l’histoire de notre peuple a voulu sortir de son musée et l’y envoyer lui, le chef de notre ville et de notre pays. Il a jugé que c’était un peu tôt. Alors, les rues devenues avenues ont surtout servi à ses engins militaires contre nous, les habitants de notre ville. Il lui a fallu aussi faire construire de nouvelles prisons et aussi, de nouveaux cimetières. Notre ville pleure, mais elle ne deviendra jamais sa ville.
Beau texte révolté !
Merci Jérôme !
C’est un texte magnifique, engagé, bravo et merci pour ces mots.
Et le titre, j’adore le titre.