Nous avons tiré une leçon de nos erreurs. Cela est assez rare pour être signalé. Les fondations indispensables pour qu’une cité devienne éternelle ne sont pas faites de bois de pierre ni de métal. L’antique cité de Babel s’effondra de cette méprise. Les truelles, le ciment, les pierres, les poutres, les parpaings et le bitume ne permettent que d’ériger vers le ciel un squelette aux os cassants et friables, une tour vide et creuse, fantomatique, condamnée à la ruine avant même d’exister. En réalité c’est avec l’air que nous bâtissons nos villes. Cette matière première nous savons la transformer en mots, en phrase en langage, c’est ici que se trouve toute la subtilité. Nous bâtissons nos villes avec des mots.
Tout commence lorsque les premiers hommes décident de se sédentariser. Ils inventent les chemins qui, inévitablement, finissent par se croiser. Vient alors la rencontre. L’homme compris que cette rencontre lui offrait puissance et protection. Le mot société venait de voir le jour. Il lui fallait protéger cette découverte. C’est pour cette raison que l’homme s’inventa bâtisseur. Il mit à l’abri la société derrière des peaux, des branchages, des pierres. il choisit, comme une évidence les carrefour ou les chemins se croisaient. Puis il assista, satisfait, à chaque nouveau pas, chaque étape, chaque évolution de sa création tout en cultivant son champ lexical pour y planter de nouvelles graines.
Il y eut le village la ville, la cité, la commune, le bourg, le hameau, la capitale, la mégalopole.
Il y eut les croisements, les carrefours les ronds points, puis les autoroutes les péages et les échangeurs.
Il y eut les ruelles, les rues, les passages, les impasses, les remparts, les boulevards et avenues, les faubourgs, le périphérique, la banlieue.
Pour organiser sa société à l’intérieur des villes l’homme inventa les mots: palais de justice, parlement, prison, mairie, temple, église ou mosquée, maison, immeuble, gratte ciel, stade, crèche, école, université, dispensaire et hôpital, métro et tramway.
Ce vocabulaire reste la trame universelle , le ciment, avec laquelle l’homme bâtit ses villes. Continuellement.
Puis lorsqu’il eut construit plusieurs villes, l’homme dû les nommer pour ne pas les confondre. Les villes eurent un nom propre. Une identité.
Il y’a Aubagne Avignon et Arles, les cigales et le soleil.
Il y’a Dunkerque, Bethune et Calais, le crachin et la mer du nord.
Il y’a les villes des victoires et les villes des défaites. On baptisa les boulevards et les stades des noms des vainqueurs car l’histoire est ainsi faite.
Enfin il y’a les villes mortes qui créent les légendes et les légendes d’où naissent les villes, les villes réelles et les villes imaginaires
Certaines, probablement les plus belles, sont bâties uniquement sur des mots. C’est celles où il fait bon se perdre.
Il était une fois la Cité du Soleil, l’Atlantide, Utopia et puis Metropolis …