C’est un début de soirée d’été il y a quelques années de cela, le temps est à l’orage, le bleu du ciel a cédé la place à des nuages de plus en plus gris teintés de rose pâle et soudain il apparaît là, le long du boulevard, lourd, massif, rougeoyant, on le croirait en feu, déjà frappé par la foudre, vestige du passé, proche ou lointain, il y en a d’autres dans la ville, on sait qu’il n’est pas le seul mais cela n’empêche qu’il fait frissonner celui qui s’attarde et s’aventure à l’observer, on sait qu’il est vide, on sait qu’il est condamné à subir ce que d’autres ont déjà subi avant lui, mais il tient bon, aucun signe d’occupation au rez-de-chaussée, pas âme qui vive, l’obscurité complète, on a envie d’aller voir à l’intérieur ce qui s’y passe mais on s’abstient de peur d’encourir leur colère, de peur de les réveiller, l’avancée qui fait face à l’avenue se dresse comme la proue d’un navire prêt à affronter la tempête qui approche, le vent se met à souffler, les branches oscillent de plus en plus fort, elles assombrissent les vitres, les colorent de gris sombre, de gris bleuté, l’intérieur au dessus du rez-de-chaussée s’embrase, il est la proie des flammes, on attend le cœur battant, on se dit que les vitres vont voler en éclat d’une seconde à l’autre, puis le vent tombe, plus rien ne bouge, le silence est total, un silence inhabituel, épais, qui colle à la peau, non, les vitres ne volent pas en éclat, elles demeurent immobiles elles s’éteignent même, comme un jeu de lumière qui tout d’un coup prend fin, on débranche les projecteurs, le spectacle est terminé.
Magnifique et troublant ce texte dans lequel on ne sait jamais bien si on tient l’objet dont il est question, tellement il glisse et se métamorphose au fur et à mesure du texte, bravo