Les deux frères sont beaux et c’est l’été. L’été passé, écrasé de chaleur et de mouches. L’été des adultes désertés, des enfants seuls aux mondes dans la petite pièce poussiéreuse entre deux box. Un été qui étouffe, passé à l’ombre des choses que l’on trouve dans ce genre de lieu ; brosses, poussière, chats, selles, licols. Les filles sont nombreuses et adolescentes, toutes sauf une. Certaines parlent et rient, les autres écoutent et sourient. Un des frères est grand. L’autre bouge beaucoup. Ce sont eux qui parlent surtout. Occupent et captivent l’espace. Il y en a un qui est brun et la plus petite le regarde par en dessous. Les deux frères sont beaux comme des cow-boys d’Amérique alors que ce sont juste de petites frappes électriques, les même qu’en bas des tours, les même qu’au fond des garages. Ils s’agitent mais guettent surtout les réactions sur le visage des filles à tout ce qu’ils disent. Ils observent la posture, la manière d’être assise, la sueur discrète en bas du dos, qui fonce un peu la couleur du t-shirt de la plus grande, ils s’attachent à l’apparition des seins dans le débardeur bleu de la plus jeune. Ils portent des pantalons qui enserrent leurs jambes et rampent le long de ce qu’il y a entre, des pantalons de vert côtelé, matière impossible pour les étés d’ici. Ils ont ce genre de bottillons en cuir qui soulèvent la poussière, à chaque pas qui rythme la phrase, qui claque pour effrayer, juste pour rigoler. Les journées passent à rien faire dans la petite pièce où l’on avale un air que l’on croit plus frais. Le temps à l’intérieur s’étire et c’est comme si dehors, les chevaux avaient déjà cessé d’exister. Pourtant, dans un coin de la pièce, il y a ce léger renfoncement le long du mur, qui fait un décoché sur la droite et ouvre sur un espace un peu préservé du regard des autres. Sur le mur en haut, un miroir sale est accroché qui a comme une fissure sur un des côtés. Les frères s’y glissent parfois, appelant une des filles.