#40 jours #32 les villes ne sont belles que la nuit

Hong Kong la nuit

Les villes ne sont belles que la nuit, ou alors si elles ont des parcs avec de grands arbres ou un fleuve ou la mer. Puis-je me rappeler un seul livre qui m’ait donné envie de la ville ? Pour moi la ville est grise ou noire comme Clermont-Ferrand ou Thiers. La ville noire, c’est un titre de George Sand. La ville, c’est un boyau, une cache ou un enfermement dans une tour. En brave fille de la campagne, j’en ai rêvé pourtant de la ville, du gigantisme, de l’agitation, des lumières ou simplement des noms de ville. Des noms de ville qui font rêver, il y en a plein, mais de ville où je rêve d’habiter, aucune. Saint-Pétersbourg de Dostoïevski, peut-être. L’idéal bien sûr c’est d’avoir les deux, la ville et la campagne, comme l’avaient bien compris les châtelains de Lissieu et les riches de partout de Lyon à Paris, de Saint-Pétersbourg à Beyrouth, de Rome à Mexico, de Wuhan à Tokyo. L’hiver en ville, les beaux jours à la campagne, le travail en ville et le repos à la campagne. Comme le désirent les télétravailleurs, comme tout le monde aimerait le pouvoir. Ainsi serait résolue l’ancestrale opposition ville-campagne. Non pas des villes à la campagne ou de tristes résidences secondaires où l’on se fait obligation d’aller pour surveiller les invasions de mulots et où il faut rallumer le feu dans l’air glacial, non une harmonieuse circulation fluide entre lieux, où la maison à la campagne est toujours chaude et accueillante et le bureau en ville lumineux et propre, proche d’un petit café avec terrasse. Être de ceux qui cultivent l’aisance à passer d’un monde à l’autre, en connaissent les règles et les ressources, qui pensent que sans une campagne la ville est un rêve de pauvre, de travailleur sans loisir, de ceux qui n’ont pas une place au soleil. Être un rat des champs qui serait aussi rat des villes comme dirait La Fontaine, ce n’est pas si simple, car cela occasionne des coûts de transaction comme disent les économistes. Rêve de riches avec moyens de transport rapides et personnel de service à disposition. Terrible rêve qui détruit la planète pour le bien vivre de quelques-uns. Je les imagine les bourgeois lyonnais qui quittaient leurs appartements de Bellecour et d’Ainay avec bagages et domestiques dans les lourdes voitures attelées qui les conduisaient vers les frais ombrages de Lissieu. Pas étonnant qu’ils aient fait rectifier la route impériale n° 6 pour éviter les trop fortes pentes tout en respectant le tracé des murs de leurs propriétés. Ils étaient maires de la petite ville et ne se privaient pas pour la rendre comme ils la voulaient. Ce n’est que bien plus tard que d’autres ont coupé la commune en deux pour que d’autres puissent rejoindre leurs campagnes au soleil, bien plus au sud par l’autoroute.

A propos de Danièle Godard-Livet

Raconteuse d'histoires et faiseuse d'images, j'aime écrire et aider les autres à mettre en mots leurs projets (photographique, généalogique ou scientifique...et que sais-je encore). J'ai publié quelques livres (avec ou sans photo) en vente sur amazon ou sur demande à l'auteur. Je tiens un blog intermittent sur www.lesmotsjustes.org et j'ai même une chaîne YouTube où je poste qq réalisations débutantes. Voir son site les mots justes .

2 commentaires à propos de “#40 jours #32 les villes ne sont belles que la nuit”

  1. Splendide analyse socio-géographique, l’occupation des sols urbains ou campagnards; les flux réservés, le constat d’une injustice atavique que la littérature ne cesse de repérer sans la résoudre. Est-ce que les livres sont des tickets-vacances pour celles et ceux qui n’ont pas le choix de leur résidence ? Les villes -lumières sont aussi des Tue-planètes.
    https://www.youtube.com/watch?v=WATsVHJL6To