On discute, on se souvient de la guerre, l’occupation, ils ont participé à des trafics, aujourd’hui on se retrouve, lui il était là il ne savait rien, maintenant il veut reconstituer le puzzle, on recherche des origines, des disparus, larges avenues qui descendent vers la Seine, une femme aperçue, un accident, un grand carrefour où la voiture stationne, partir à la recherche de papiers d’identité dans une administration, Paris, souvent, beaucoup, parfois c’est juste quelques immeubles le long des quais de la Seine, un jeune homme attend désespérément sur un banc la femme qu’il aime, parfois on est au Jardin du Luxembourg mais on ne sait plus qui on attend ou qui l’on va trouver, ou dans un marché où une mère met bas sous son étal parmi les déchets de poisson mais il y a d’autres villes aussi, celles où l’on suit un curé dont les rêves s’écroulent ou un jeune garçon qui devient pion dans un collège, les images s’enchaînent, une scène apparaît, était un livre ou un film ? des villes de soi inconnues Alger la mystérieuse, des sensations, des images qui surgissent comme des flashes ou celle qu’on ne peut appeler autrement que Saïgon, humide, chaude, ciel bas et couvert, jaunâtre, un homme attend à l’arrière d’une Mercedes noire, des villes en balbutiement, huttes, baraquements, hangars et maisons coloniales confortables, le long du fleuve Congo, des rues en noir et blanc, immeubles fin XIXe, le Pacifique n’est pas loin, agitation, cris, les pilleurs d’huîtres rôdent, on embarque pour aller chasser le phoque au Japon, plus près de nous dans le temps, on glisse sur les collines qui descendent vers la Cité des Anges au côtés du consul de France au volant de sa décapotable, on s’appuie à la fenêtre d’un appartement, vue sur une ville grise, un mur empêche de voir l’horizon, il vit ses derniers moments, d’ici quelques semaines on l’aura fait tomber, on sera passé de l’autre côté, il n’y a pas de retour possible.