Hanter la villa Hadriana à Tibur pour rencontrer un homme qui meurt d’une hydropisie du cœur. Pas l’empereur, pas le Jupiter olympien, mais l’homme blessé, inconsolable, vulnérable, qui agonise lentement dans ce lieu qui devient son refuge intérieur. Compter sur la mémoire des pierres, tâter de l’éternité dans la matière même.
Hanter l’hôtel Labenche à Brive, espace compressé de tous les souvenirs d’enfance. Chercher le sens d’une existence entière contenue dans les livres, des livres qui sauvent de soi-même, qui sauvent la vie. Mesurer les cent pas qui enferment le monde.
Hanter le café d’Arles dans l’espoir d’y croiser le facteur Joseph Roulin, le moujik à barbe fleurie. Attendre Van Gogh avec lui et caresser l’espoir d’un portrait, l’espoir d’une résurrection, d’une image éternelle.
Ou hanter le cabaret vert près de Charleville. Happer le bonheur dans une tartine de jambon et un bock de bière. Rêver d’aller par les chemins cueillir les vers nouveaux.
Hanter les lieux de perdition de l’espace urbain, y flairer les failles de notre humanité. La banque de Jefferson, plus dangereuse que l’attaque d’un ours dans les forêts du Mississipi. La maison close de Memphis, lieu de débauche et d’errance, de misère et d’amour. Le Bonheur des dames, à Paris, temple de la marchandise, du désir et de la convoitise, autel sacré du monde nouveau pour notre plus grand malheur.
Hanter Paris pour réinventer la ville. Remplacer la tour Eiffel par une bergère, nommer la seine l’Yonne, par son vrai nom (faut-il qu’il m’en souvionne ?). Cartographier la ville par ses signes, les plaques minéralogiques, les noms de rue, les lignes de bus.
Hanter l’abbaye de Thélème, en utopie, l’espace des libertés, sa devise : fais ce que tu voudras. Prendre l’exemple d’un contre lieu, un lieu sans murailles, sans contraintes, où l’horloge s’est arrêtée. Un lieu du corps collectif où la volonté individuelle devient volonté collective. Déconstruire le réel, jouer avec la langue, réhabiliter l’esprit du carnaval. S’arrêter dans ce lieu pour dompter le réel par l’imaginaire.
Hanter… belle idée car il en restera toujours quelque chose au fond de la mémoire. Merci
Merci pour cette déambulation et pour ce choix de lieux.