Suivre ce pas lent, un peu lourd. Prendre le temps en quelque sorte. L’air est souvent frais. Le printemps tarde à arriver. Il faut remonter le col du pardessus, enfoncer le chapeau sur la tête. Marcher ou prendre un taxi. Il ne va pas si loin. Et puis faire un peu d’exercice lui fera du bien. Il ne s’arrêtera pas au café, il a besoin de se frotter à l’air de la ville. Il marche de cette démarche qui lui est singulière, pose le regard sur une vitrine mais on a l’impression qu’il ne voit pas ce qui s’offre à la vue. Il fend la foule, ou la foule s’écarte devant ce regard posé toujours plus loin. La main dans la poche où il triture une pipe qu’il ne va pas tarder à allumer. Il tourne à droite, à gauche, regarde passer un autobus, se dit qu’il pourrait le prendre au prochain arrêt, puis le dépasse et continue d’avancer. Les maisons l’escortent, les trottoirs se font tapis, les lampadaires évitent de s’éteindre quand le pas lourd s’approche. Les véhicules s’effacent, la nuit prend son temps et se glisse en douceur. Peu importe le quartier où ses pas le mènent, la ville lui appartient. Il fait corps avec elle, et Paris n’est jamais si bien Paris que lorsque sa silhouette arpente les rues. Il arrive près de Pigalle, on le reconnaît, mais on ne lui fait signe que de loin et avec une certaine retenue, ou on se détourne. On sait que tout passe au crible de son regard. Même les chats qui hantent les rues se savent démasqués et se hâtent vers quelque cachette. De jour ou de nuit, les murs murmurent après son passage, les portes s’entrebâillent, la tension se sent. Le quotidien de la ville en sort grandi.
Belle figure d’homme énigmatique !
Merci Solange !
Le décor est là, l’enquête se poursuit, magnifique filature que votre texte permet.