Lui, il est dans la rue. Poussé par la foule, il commence la descente, des escaliers gris, une rampe marron. Il croise des gens qui montent, il a devant lui une masse de dos. Il est pris dans un courant. Il arrive dans un couloir étroit, les murs sont carrelés de petits rectangles blancs. Il avance d’un pas rapide, il est obligé d’avancer au pas de la foule. La foule, grise et noire, on devine par instants des visages gris, des sourcils noirs, des visages noirs, quelques sourcils gris. Le couloir s’élargit, il arrive dans un grand espace, mais la multitude des marcheurs empêche et rend impossible de déterminer la surface de l’endroit. Il s’arrête, obligé, derrière une file de dos, il avance pas à pas maintenant, il regarde le sol, il voit les jambes qui le précèdent. Il est face à un ensemble de barres métalliques qui empêche le passage, il regarde à droite et à gauche, il voit les gens entrer des morceaux de papier dans une fente de la machine qui supporte les barres et après ils avancent, les barres tournent. Il prend un morceau de papier dans sa poche, il l’enfonce en appuyant dans la fente du tourniquet, il essaie d’avancer, il ne peut pas. Il se retourne, un gros homme avec une moustache le regarde méchamment. Il commence à paniquer, on voit ses yeux chercher du secours à droite et à gauche. Il prend un autre morceau de papier dans sa poche, il le découpe avec ses doigts pour qu’il est les mêmes dimensions que les morceaux de papier utilisés à droite et à gauche, il s’applique, en tirant la langue. Il appuie dessus de toutes ses forces pour le faire entrer dans la fente de la machine, ça ne fonctionne pas. Le gros homme derrière lui s’impatiente, le pousse vers le tourniquet. Il se retrouve avec le ventre appuyé contre les barres, il se plie, il se contorsionne, il arrive à trouver un abri entre les barres. Le gros homme qui est derrière lui est maintenant appuyé contre les barres, il essaie de mettre son ticket dans la machine, mais il n’y arrive pas, la fente est bouchée. Les gens qui sont derrière le gros homme commencent à l’escalader pour avancer, s’accrochant à son manteau, ils se servent du gros homme comme d’un promontoire pour sauter au-dessus du tourniquet, ils sont des centaines, avec le temps le gros homme fléchi, fléchi encore. Les derniers individus prennent de l’élan sur ses épaules et servent du gros homme qui a maintenant la taille un nain, comme d’un sautoir pour bondir. Tout le monde est passé, le gros homme est suffisamment petit pour passer sous le tourniquet, alors il s’en va en râlant, habillé de vêtements beaucoup trop grands, il est ridicule. Lui il repart dans l’autre sens, poussé par une autre foule, il reprend le couloir aux rectangles blancs au rythme des autres, il remonte l’escalier poussé dans le dos par la masse grise, il est dans la rue. La foule encore, il avance, il devine des vitrines de magasins éclairées de lumière électrique, mais il ne voit pas ce qu’elles exposent, la foule fait écran.
Ah, oui, vraiment impression de film muet. Super !
Merci Helena
Bonjour Laurent,
je trouve que ça marcherait très bien en animation noir et blanc.
Merci pour ton beau texte !
Quelle histoire, mais quelle histoire Laurent, j’adore le bonhomme, le métro et le tourniquet ! Merci.
ah oui et tout ça sans musique et sans voix, ou alors juste un piano ragtime parce que ça nous évoque cette époque…
du noir et blanc et ces couloirs de métro et ces bonshommes qui se contorsionnent
réussi, tu sais !