Dans votre nuit renversée, une zone morte sort de sa torpeur caressante et irrationnelle, l’étincelle d’une peur. Le voile opaque se répand sur un halo de lueurs fugaces qui soupirent dans les branchages rasant les hautes feuilles. Toute l’ossature craque propage l’inquiétude au centre du quartier sourd, prompte adhérence des regards vers le rond-point spectral traversé de volutes sodium. Les flammes. Des têtes apparaissent, les chocs inaudibles, infrasons des déplacements de corps affairés à tracer les cent pas sur les balcons, les visages luminescents des yeux ronds en panique variations minimes de peau blanchâtre rétroéclairée, les arcades sourcilières en ombre distordue. L’odeur âcre plane, enveloppante, intimidante. Des volets battent. Les maisons épient, inquiètes. Les secondes des minutes, on jurerait des heures. Un oeil derrière le voile, la curiosité en zoom obscène, pixels ou escarbilles les couleurs scintillent sur les télévisions seize neuvièmes. Déflagration, détonation, déformation. Perforation, des jets de fumées s’échappent tourbillonnants fusant en l’air et en cédilles fusain. Les flammes s’allument en cuisson à vif sous la voiture, brûleurs grands ouverts bouillonnement des bulles de vernis cloqués sur la tôle écaillée plis dégoulinants des couches d’acrylique carbonisées. La scène confuse sans blessure et sans mort émet sa pulsation lointaine des gyrophares traits en miroir. Soudain l’écran bleu s’éclipse comme un arc électrique, s’allume sous pression simultanée la voisine voiture, en flammes. Entrées et sorties, les sirènes barrent les extrémités des rues. Le brasier redouble. À bout de bras qui luttent sur des gestes minuscules, les jonctions s’imbriquent, les viroles claquent, les casques luisent sur les tôles rouges, le tuyau sous les bras se prolonge, s’étire; les mains gantées raccordent, et dévissent l’eau à la source sur la bouche d’incendie. Encore un instant. L’arbre se consume impuissant. Immobile l’air vicié attente toute la ville nauséeuse. Lance jet plein, l’eau bondit taraudant le brasier condamnant sa progression vers les murs. Les fumées épaississent blanches, évaporation de la pluie sur le feu maîtrisé.
La voûte du ciel monochrome de bleu, matelas de foin sous ton corps enlacé au mien, ogive laiteuse d’une lune en croissant, plasma de particules électrostatiques, battement d’une feuille de papier effleurée survol d’une chevêche, météore traînée filante, cliché d’ondes qui planent sur le champs, propagation de vibrations nocturnes surnaturelles, tu feras des photos invisibles. Hors de la ville, les champs rayonnent et se propagent à des kilomètres, des champs de forces naturelles traversées d’inflexions sourdes. Un sanglier s’approche. Dans la nuit de tes yeux, une pluie d’étoiles.
N’attends pas davantage pour l’avoir, ton chien ne supporte plus votre solitude volontaire. Depuis des années tu gardes l’îlot blanc du bout de la rue, laissant les inconnus dédaigneux finir leur route en impasse. Des étés de plomb sans vagues, ni sable, ni mer qui ondule, plein soleil du matin au crépuscule du soir. À nous persuader touriste devant ta caravane, la table et les deux chaises camping; tu passerais sur ce périmètre d’hypothétiques vacances. Les exils t’ont contraint. Depuis que tu transpires sous les serres, ton allure sculptée attire celles qui prennent ton chien en pitié. Il boite d’une patte surnuméraire qui traîne devant lui sans vie. Tu évites ses déplacements. À l’ombre du camion fourgon Il gît tout le jour, sa longe distendue sur les graviers blancs; un museau, une oreille dépassent derrière les roues. L’hypothèse de retourner chez le vétérinaire, tu l’évoques à l’une d’elles qui s’invitent le soir sur la chaise vide, une voix douce et attentive. À cette fête improvisée à deux, tu sautilles le corps en joie, l’hypothèse soudaine de gagner ce continent nouveau, terre ferme loin de ton îlot à perdre pied, ton chien. Par précaution pour ne pas rompre trop vite le charme, ta main éloigne les boissons qui épuisent trop vite tes lèvres et engourdissent ta langue. Déjà la chaise est vide. L’obscurité sera longue.
Texte magnifique ! Les lanceurs sont là pour impulser un flux poétique !
Merci Michael.
Merci Fil pour ton retour stimulant!
A mon tour de te lire Mickael pour te dire que moi aussi je suis touchée par l’intérieur de tes phrases, ces mots, ce vocabulaire précis et poétique qui m’envahit d’images fortes. Bravo et merci.
Clarence merci pour ton précieux retour. Plaisir à te lire!
« Dans votre nuit renversée » et « tu feras des photos invisibles », j’aime.
Oui le dernier est à réécrire…