D’abord se dire que l’on ne va rien acheter du tout, que dans le mot belle-mère il y’a le mot mère et que l’on va confier à son fils chéri- elle vous a suffisamment fait comprendre l’importance qu’elle accordait à accoler le mot chéri derrière fils- la tâche de trouver un cadeau à sa mère. Et puis vous vous rappelez la conversation -pas plus tard qu’hier- ou le fils ( chéri) en l’occurrence votre mari s’excusait avec milles prétextes fallacieux de ne point avoir le temps d’aller faire les cadeaux de Noël: tu comprends , tu es une femme et tu sais mieux que moi ce qui peut lui plaire… et puis rapport à la dernière fois où vous vous vous êtes un peu accrochées cela te permettra de faire le premier pas… et tu as toujours si bon goût ma chérie…
C’est donc pétrie de tous les bons conseils du fils ( chéri) que je pénétrais dans l’enfer des Galeries Lafayette un vendredi après midi de décembre juste avant Noël. Je me donnais une heure pour réussir cet exploit. Au delà je savais déjà que le vacarme associé à l’image de ma belle mère aurait raison du mal de tête que je sentait déjà sournoisement percer les os de ma boîte crânienne. J’appliquais une technique redoutable: associer un quadrillage du centre commercial en formant des boucles de déambulation-dont mon mari m’avait fait remarquer qu’elles n’avaient strictement aucune logique mathématique- ce à quoi je lui avait répondu qu’elles avaient ma logique et tant pis si je ne correspondait pas à l’idéal mathématique qu’il avait des femmes, ce qui lui avait valu un bon quart d’heure de réflexion et par conséquent quinze minutes de shopping en paix pour moi. J’associais donc ces boucles de déambulation a une analyse exhaustive des remarques du fils ( chéri) pour optimiser mes chances de trouver un cadeau à la ( belle) mère. En toute logique je décidais de partir de la dispute en question. Elle m’avait fait remarquer lors d’un déjeuner dominical que ce n’étais pas en me resservant systématiquement du fromage que j’allais perdre les quelques kilos en trop qu’il me restait de ma dernière grossesse. Ce à quoi je lui avait retourné que si son bœuf bourguignon avait été mangeable je ne me sentirais pas le besoin de me resservir en fromage. Je vous laisse imaginer les trésors de diplomatie qu’il avait fallu au fils ( chéri) pour que le repas puisse arriver à son terme.. En passant devant la FNAC je pensais d’abord à un livre de recettes mais il y’en avait déjà plein sa cuisine et force est de constater qu’elle ne les consultait pas beaucoup. Puis je passais devant une boutique où il était fait étalage des bienfaits du dernier robot de cuisine. Sur une affiche en fond de vitrine on pouvait lire: 100% de repas réussit garantis. En filigrane une famille installée à table affichait des visages souriants et détendus. Voilà exactement ce qu’il me faut me dis-je. Hélas, le prix du dit robot coupa aussitôt mon élan: hors de question de mettre plus de trente euros dans son cadeau. Après cet échec je reprenais mes déambulations. En passant devant la parfumerie l’idée m’effleura de lui offrir une crème anti vergeture. Il n’avait pas de cadeau plus approprié à mon sens: utile, efficace, un investissement bien placé. Cependant je voyais déjà la tête du fils ( chéri) au pied du sapin et ne me sentait pas d’humeur de transformer Noël en conflit armé. Je consultais l’heure: il me restait moins de trente minutes: je passais en revue les options restantes. Une carte cadeau? trop impersonnel, une box pour un week-end en amoureux? ça se voyait comme le nez au milieu de la figure qu’elle et beau papa ne s’aimait plus depuis bien longtemps, une boîte de chocolat? je me rappelais juste à temps qu’à Noël dernier nous avions passé six heures aux urgences, belle maman à deux doigts de s’étouffer, le visage tout déformé et boursouflé: le médecin avait conclu à une allergie au chocolat….À bout d’idée j’optais finalement pour un pull. Comme les cinq années précédentes. Je ne le choisissais pas trop décolleté étant donné son âge avancé, ni bleu ni vert ( les couleurs des deux dernières années qu’elle avait dit tout haut ne pas aimer en déballant son cadeau), 100% pure laine vierge ( histoire qu’elle se rappelle de moi lorsqu’il la gratterait) et soldé( trente euros: le maximum). Je glissais alors le papier cadeau rouge estampillé du logo des galeries lafayettes dans mon sac. Je regagnais aussitôt la sortie et m’élançais le cœur léger sous la neige qui s’était mise à tomber en rideau épais avec le sentiment du devoir accompli
j’ai ri (mais j’aime beaucoup ma belle mère)
ce mot « chéri » m’a ramené à Sarraute…
oui j’ai ri aussi, mais je n’ai pas de belle-mère… ouf !!
Très drôle ce texte Géraldine, quel bonheur ! J’ai tout vu, tout imaginé, et j’ai aimé la crème anti-vergetures, il faudrait pouvoir oser 😉 mais tu as raison le pull passe toujours, soft, sobre, élégant, de toutes saisons.
A bientôt.
Bonjour Géraldine,
quel pensum de trouver un cadeau pour sa belle-mère (chérie),..
J’ai bien ri ! Un grand merci et un grand bravo !
Merci merci merci Caroline, Françoise, Clarence et Fil! Je l’ai fait lire à ma belle mère qui a beaucoup ri elle aussi (preuve supplémentaire que j’ai une belle mère exceptionnelle…). Je ne suis cependant pas certaine qu’elle nous resserve du bœuf bourguignon de sitôt…