« il y a du silence ou alors des questions est-ce que c’est pas un peu du silence les questions » ( Hortense Raynal )
— Qui es-tu en fait ?
— Je ne sais pas encore qui je suis.
— Es-tu fatigué ?
— Oui je suis fatigué.
— Te questionnes-tu avec force ?
— Je ne suis pas l’exclamation de l’interrogation.
— Combien de temps te faudra-t-il pour savoir qui tu es ?
— Le temps de savoir qui je suis et je serai réincarné en qui sait quoi, en iroquois.
— Sais-tu qui nous sommes ?
— Je ne sais pas non plus qui vous êtes.
— A-t-on avancé ?
— Nous voilà bien avancés.
— D’où écris-tu ?
— Je vous écris depuis mon lit.
— Pourquoi ?
— Suite à une opération.
— De quoi ?
— Un poil dans la main enkysté.
— Qu’est-ce qu’ils ont fait ?
— Ils l’ont épilé au bistouri.
— Une conséquence de ta fainéantise ?
— Les gens qui me connaissent savent que je suis un faux paresseux.
— Tu es enrhumé ?
— Non, je me mouche à cause des pollens.
— Jamais de rhume de cerveau ?
— Non, mais j’aimerais pouvoir le moucher et le désencombrer.
— Comment ?
— Comme on le ferait d’une vulgaire fosse nasale.
— Qu’est-ce que cela changerait?
— Peut-être pourrais-je alors vous dire qui je suis.
— Je répète notre question : tu es qui au fait ?
— Je ne suis pas au faîte.
— Aimerais-tu y être ?
— Je ne sais pas si je voudrais y être.
— Et si tu étais un animal ?
— Je serais un rat des pâquerettes, mais pas que.
— De quoi encore ?
— Des bibliothèques.
— Si tu devais te définir négativement ?
— Je ne suis pas un footballiste, je ne suis pas un communiste, je ne suis pas Arno.
— Et dans le passé qui fus-tu ?
— Qui je fus… pas Henri Michaux même si ça m’eut Plume.
— Et à la télévision tu serais qui ?
— Je suis… je suis… je ne suis pas Julien Lepers.
— Pourquoi te sens-tu toujours obligé de faire le bouffon ?
— C’est pour faire rire ma mère.
— Mais elle n’est plus là ?
— Non mais ça m’est resté.
— Tu n’es pas toujours drôle ?
— Parfois même pas drôle du tout.
— T’arrive-t-il aussi d’être sérieux ?
— Bien sûr.
— De quelle façon?
— Je m’interroge sur mon existence dans le monde.
— C’est le début de la métaphysique ?
— Mettez vos capuches il pleut.
— Crois-tu à une vie parallèle ?
— Comme disait celui qui était un autre je suis une illusion, une condensation éphémère avec ongle incarné.
— Tu n’es pas un peu fuyant des fois ?
— Qui je fuis en fait je fuis celui que je pourrais être.
— N’y a-t-il pas un risque de ne jamais être pris au sérieux pour quelques vannes pourries et
quelques calembours lourds ?
— On me l’a déjà dit, trop is te veel, il faudrait pouvoir doser.
— Oser ?
— Dosage ! C’est une question de dosage !
— D’âge ?
— Oui c’est une question d’âge, vous êtes sourds comme des pots !
— Excuse-nous. Je te prie d’accepter nos excuses.
— Il n’y a pas de quoi. J’ai pris une décision importante.
— Laquelle ?
— Celle de ne plus jamais être drôle. Si je l’ai jamais été.